Fidel Castro une vie
pour la circonstance Efigenio Ameijeiras, héros de la Maestra passé à la trappe en 1966 notamment parce qu’il menait une vie dissolue… incluant la consommation de drogue. Et l’on ne craint pas de mettre en avant le vice-amiral Aldo Santamaría, impliqué par la justice américaine dans un trafic de marijuana. Ce qui est demandé à ce jury est qu’on aboutisse à la dégradation d’Ochoa, afin que celui qui sera jugé ensuite ne soit plus un vivant reproche au système dont il est un représentant éminent. Le général s’accuse d’emblée : « Je crois avoir trahi la patrie. » Il ajoute : « Une trahison, on la paie de sa vie. » Le ton est donné : cinq mois avant que ne s’effondre le mur de Berlin, voici un ultime « procès de Moscou ».
L’accusation produit une dizaine de témoins, des anciens d’Afrique qui expliquent ce qu’étaient les trafics ordinaires des Cubains en Angola sous Ochoa – mais, on se doute, avant lui aussi. Il en ressort l’image d’une armée qui faisait commerce de tout pour subvenir à ses besoins et pour gagner la guerre : ainsi, pour défendre Cuito Cuanavale face aux Sud-Africains,deux aéroports, Catumbela et Cabo Ledo, ont été construits en arrière de cette position à grands renforts de trafics de pierres, de métaux et de bois précieux acquis sur place. Il est aussi beaucoup question de produits achetés à Panama par le biais du Minint (réfrigérateurs, conditionneurs d’air, ventilateurs, téléviseurs…) et revendus à des prix concurrentiels à des Angolais. Une unité a même été créée pour collecter les produits, diamants notamment, susceptibles d’être vendus en dollars – l’obsession cubaine. Les comptes sont d’ailleurs bien tenus, et nul n’évoque d’enrichissement personnel. Mais le mythe de l’armée internationaliste en prend un coup.
Ochoa est donc face à ses pairs. Des pairs sans doute affreusement mal à l’aise, humiliés peut-être que le meilleur d’entre eux soit ainsi vilement traîné dans la boue, mais
in fine
nullement prêts à se mettre en travers de la volonté de leur commandant en chef dont Raúl vient de rappeler, lors de son stupéfiant discours télévisé, qu’il est « notre père » et que, dès lors, « soyons ses humbles enfants ». Face à ces hommes-là, Ochoa, disent joliment Fogel et Rosenthal, garde, dans l’uniforme qu’il porte une dernière fois, « la dignité d’un seigneur qui sait comment les hommes vivent ». Sans sourciller non plus (parce que c’est vrai ? parce qu’il se sait déjà condamné ? ou parce qu’on lui a donné des assurances que sa famille ne serait pas inquiétée ?), il entend sans piper ce qui est glissé comme en passant : son aide de camp, Jorge Martínez, s’est récemment rendu en Colombie pour y voir le fameux Pablo Escobar, patron du « cartel de Medellín », afin d’organiser avec lui un trafic de cocaïne, dont le produit devait être investi dans la naissante industrie touristique cubaine. Le jury d’honneur avance vers sa conclusion : « Tu nous as trahis, Ochoa, nous devons laver cette souillure », lui dit un de ses pairs. Et, de fait, la cinquantaine d’officiers présents ce 26 juin au Minfar accablent, l’un après l’autre, le plus prestigieux d’entre eux, demandant non seulement sa dégradation mais, la plupart, sa mort. Tous signent, sous les caméras, le renvoi du général (dégradé) devant la justice militaire.
Le deuxième procès s’ouvre quatre jours plus tard, le 30 juin. Première surprise : parmi les quatorze accusés, on trouve plusieurs des témoins à charge contre Ochoa au tribunal d’honneur. Il y a dans le box, en civil : trois officiers des forces armées(Ochoa, entre-temps dégradé, dépouillé de son titre de « Héros de la République » et expulsé du Comité central du PCC, son aide de camp et son ancien adjoint en Angola) et onze officiers du ministère de l’Intérieur, dont les jumeaux La Guardia (tous ceux-ci, sauf Patricio, membres de la section Opérations navales, qui recouvre aussi les opérations aériennes du MC).
Cette cellule d’une vingtaine de personnes a été identifiée par l’accusation comme responsable du trafic de drogue en provenance d’Amérique du Sud et à destination des États-Unis auquel se sont livrés, pendant deux ou trois ans, des officiers cubains sous la houlette de Tony La Guardia. Ce n’est donc plus là le seul « procès d’Ochoa », même si l’ex-« Héros
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