Fidel Castro une vie
minent le monopole du communisme dans le « bloc » (à Varsovie : relégalisation du syndicat Solidarnosc, élections ouvertes au multipartisme et bientôt nomination de Tadeusz Mazowiecki comme Premier ministre ; à Budapest : élimination de János Kádár, réhabilitation d’Imre Nagy et légalisation des associations politiques). La Tchécoslovaquie bouge aussi, à sa façon plus « sociétale », où se multiplient les manifestations. Ce sont là des évolutions que ne compense sans doute pas, aux yeux de Fidel, la fermeté d’un Deng Xiaoping faisant tirer, le 4 juin 1989, sur les étudiants prodémocratie à Pékin. Ce qui inquiète aussi le
Lider
, c’est la rétraction du « camp » socialiste. Il s’est lui-même résigné, fin 1988, à signer son départ d’Angola – sur la forte suggestion du « bradeur » Gorbatchev. Le même a ordonné l’évacuation de l’Afghanistan : le 15 février 1989, le dernier soldat soviétique repasse l’Amou Daria. Et il se dispose à évacuer la Mongolie. Castro ne peut manquer de noter, que l’ami vietnamien se retire du Cambodge – là encore, sur l’ardente suggestion de Mikhaïl Gorbatchev.
Pour l’heure, Fidel est préoccupé au premier chef par l’Amérique centrale. Le nouveau président américain GeorgeH. Bush, entré en fonction le 20 janvier 1989, ne voudra pas être en reste par rapport à Reagan (dont il était le discret vice-président), grand pourfendeur de « l’empire du Mal ». De fait, cet homme va agir en vue d’un
containment
(endiguement) et même d’un
roll back
(reflux) des forces marxistes de la Caraïbe et de l’isthme. Or, acculé par ses difficultés intérieures, « Gorby » va manifester bien peu d’entrain à l’endroit des pays où, de façon indirecte ou très directe, l’Union soviétique a mis le doigt, la main ou le bras : Salvador, Nicaragua et Cuba.
Durant toute l’année 1989, Washington a poussé auprès de Moscou sa thèse selon laquelle la paix ne se divise pas. C’est le secrétaire d’État James Baker qui est chargé de marteler auprès de son homologue Edouard Chevardnadze que rien ne saurait être tenu pour acquis si l’Union soviétique continue, peu ou prou, à aider, à bien plus forte raison juste dans l’« arrière-cour » latino-américaine, des révolutions ennemies des États-Unis. Fidel ressent à nouveau, après l’amère expérience d’octobre 1962, que les deux « grands » manigancent dans son dos. Gorbatchev lui a bien assuré, lors de son passage à La Havane en avril, qu’il n’est pas question de faire fi d’une aussi belle et ancienne amitié, et qu’il est inimaginable de larguer Cuba : il n’en cède pas moins, on le verra vite, un terrain croissant aux Américains.
Alors Fidel, comme il l’a fait si souvent, louvoie. Il poursuit sa recherche d’une réintégration dans la famille latino-américaine. Et, dans la seconde moitié des années 1980, ses succès en cela deviennent patents. Déjà admis par les gouvernements de gauche, il marque désormais des points auprès des conservateurs, comme l’a montré, en 1985, la visite dans l’île – la première du genre –, du chef d’État équatorien Febres Cordero. Le
Lider
ne néglige rien, il est vrai, pour prouver sa bonne volonté : ostensiblement, il téléphone ainsi, en 1988, au président colombien Virgilio Barco, après l’enlèvement, par des guérilleros procubains, d’un dirigeant de la droite du pays, Gómez Hurtado et offre son aide pour obtenir la libération de la victime. En retour, il est à présent invité à toutes les investitures de présidents latino-américains, nombreuses depuis le début de la vague de redémocratisation du sous-continent,comme avancent les années 1980. Ses visites passent d’autant moins inaperçues que, partout, il ravit la palme de la popularité au nouvel élu et à ses pairs ! Succès de curiosité, certes, mais plus encore démonstration d’une popularité maintenue par Fidel auprès des masses déshéritées d’Amérique latine, que ne convainquent certes pas la politique d’ouverture libérale et la déréglementation économique progressivement adoptées par la plupart de ces pays. En 1989, sept États
latinos
« seulement » demeurent sans liens diplomatiques avec l’île : la Colombie, le Chili, le Paraguay, le Costa-Rica, le Guatemala, le Honduras et Haïti. Les deux premiers, de loin les plus importants, s’apprêtent d’ailleurs à renouer.
En cela
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