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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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Pino, Castro. Celui-ci a bel et bien travaillé au projet de congrès, mais il n’a aucun titre sauf d’avoir, il le dit, « un grand ascendant pour être le centre de la lutte contre Grau » (
sic
., pas si modeste qu’il aime à le faire croire, Castro !). Devant les Colombiens, Fidel défend son point de vue « de façon un peu passionnée, comme il était normal… à cet âge ». Il n’avait « aucun intérêt personnel » ; il ne « recherchait nullement les honneurs ». Ce qui comptait, « c’était la lutte et les objectifs ». Alors, « les étudiants applaudirent beaucoup lorsque je parlai et appuyèrent l’idée que je continue ».
    Cette scène a lieu dans un pays, la Colombie, en pleine ébullition, comme cela lui est arrivé souvent durant son histoire de guerres civiles entre libéraux et conservateurs – deux familles politiques dont on dit qu’elles se distinguent en ce que les uns vont à la messe à 9 heures et les autres à 10 heures. Il n’empêche : lorsque la violence éclate entre elles, gare ! Le grand homme des progressistes colombiens, Jorge Gaitán, un avocat libéral de gauche, soulève les foules contre l’oligarchie conservatrice au pouvoir. Un profil classique d’Amérique latine : bon orateur, adulé de masses qui aspirent à remettre leur destin à unhomme charismatique. Une vocation de
caudillo
ou de martyr, selon le destin. Castro et del Pino obtiennent vite un rendez-vous de Gaitán, le 7 avril. Le Colombien « est enthousiasmé ». Il offre son appui : « Il fut d’accord pour clore le congrès par une réunion de masse. » Gaitán en serait, bien entendu, l’orateur principal. « Il m’a fait très bonne impression », dit Castro. Rendez-vous est repris « pour dans deux jours ».
    Il y a, ce soir du 7 avril 1948, une soirée au grand théâtre de la capitale en l’honneur des délégations des quelque vingt pays américains venus signer la charte de l’OEA – avec, au premier rang, le secrétaire d’État américain George Marshall, père du récent « plan d’aide à l’Europe ». Castro s’y rend avec trois étudiants, sans être inquiété malgré son blouson de cuir. Ils jettent des tracts expliquant le congrès. « Nous étions un peu immatures », admet Fidel et, formule qu’il affectionne, « pleins d’une ardeur juvénile ». Les protestataires sont, bien entendu, interpellés. « À notre hôtel », dit Castro. « Pas au théâtre ? », sursaute Alape. « Je ne suis pas sûr, je crois que ce fut à l’hôtel », répond Fidel. « Mais les actes officiels disent qu’ils vous ont arrêtés au théâtre », ose l’interlocuteur. « Tu as peut-être raison… Mais je crois qu’ils nous ont arrêtés à l’hôtel. Ou peut-être, après tout, les actes sont-ils plus véridiques… » Échange typique avec Fidel : il lui faut des preuves massues pour envisager, et avec réticence, qu’il puisse avoir tort ! Détail, jugera-t-on, et pardonnable trois décennies plus tard ? Certes. Mais on voit le
Lider
contredire un interlocuteur qui dispose de sources et est familier des lieux. Souci de démontrer que sa mémoire ne peut le tromper ? Ou utilisation savante du détail dans une dialectique vérité/demi-vérités dont il est coutumier ? Castro et ses compagnons sont conduits aux bureaux de l’émigration, fichés et relâchés.
    Or, le 9 avril 1948, en sortant de son bureau à 12 h 45, Gaitán est assassiné. L’événement précipite une guerre civile. «
La violencia
» durera cinq ans et fera trois cent mille morts. Ce seul vendredi et les deux jours qui suivent, on relèvera cinq mille victimes dans la capitale. Fidel, quant à lui, est pris dans une insurrection populaire ! Saccage, pillage sont partout. Le jeune homme prend feu et flamme. Il va se battre avec les insurgés.
    Surgit une question : Castro et ses amis ont-ils eu un rôle dans le lancement des événements ? La rumeur s’est vite répanduedans Bogota : les Cubains sont à l’origine du coup. Et Castro : « Eh ! oui, nous les Cubains, on était devenus fameux. » L’explication tient sans doute au fait que Fidel et Rafael avaient été fichés pour l’affaire des tracts. Une police logiquement en quête de boucs émissaires a gonflé l’incident. Les journaux favorables au président conservateur Ospina Pérez sortent avec des manchettes : « Coup communiste ». L’accusation est liée au fait que le petit PC colombien a (avec d’autres) appelé au sabotage de la

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