Fidel Castro une vie
besoin d’une pause. Non à cause de cette défaite : aucune ne l’abattra jamais. Mais les événements le talonnent. Une fois encore, il est accusé d’un meurtre, sur la personne d’un policier. L’assassinat a eu lieu en face de sa résidence. L’accusation est, cette fois, invraisemblable. Castro est un homme politique de dimension nationale et il s’est éloigné depuis un an des gangs – même s’il continue de porter toujoursune arme sur lui. Le prétendu témoin qui l’accuse se rétracte d’ailleurs. Mais Fidel comprend le message : il est très haut sur la liste des cibles de Masferrer. Alors il quitte la vie publique. Provisoirement. Un biennium s’ouvre qui sera mené plusieurs tons au-dessous du précédent.
Castro commencerait-il à se préoccuper de son avenir ? Il serait temps ! Car il a beau être doué, une activité politique à plein temps se concilie mal avec une scolarité efficace. Dès la rentrée de 1946, il ne lui est plus resté une minute pour étudier. Il n’a pas assez d’« unités de valeur » en juin 1947 pour éviter le redoublement Or, l’idée de devenir un éternel étudiant semble lui répugner. Aussi choisit-il de se faire inscrire en troisième année comme auditeur libre. Et il décide de se marier ! L’événement a lieu le 12 octobre 1948 ; Fidel a vingt-deux ans. C’est à Banés, à cinquante kilomètres de Birán, fief des parents de l’épousée, qu’a lieu la noce. Mirta Díaz est une jolie brunette, étudiante en philo à La Havane. Son frère, Rafael, est un compagnon d’université, devenu ami de Fidel. C’est lui, sans nul doute, qui a fait se rencontrer les jeunes gens. On doit aussi imaginer qu’il a plaidé la cause de son camarade auprès de la famille. Car les Díaz sont rien de moins qu’enthousiastes. Les Castro ne sont pas de leur monde : Ángel a beau avoir du bien sous le soleil, c’est tout de même un cul-terreux. Et Fidel lui-même est peu recommandable : trop jeune, sans situation et pourfendeur de tous les gens qui ressemblent aux Díaz, riches planteurs conservateurs.
Le mariage se fait pourtant… Les témoignages concordent : Mirta était éprise du pendard, et celui-ci le lui rendait. Les jeunes gens partent en voyage de noces. Où ça ? Eh bien, aux États-Unis ! On aurait imaginé le Mexique : un pays latino-américain proche de Cuba, où l’on ne peut faire un pas sans buter sur de l’histoire, une terre fascinante où s’entrecroisent les cultures, et aussi le pays de la première révolution du XX e siècle… Non ! Les États-Unis. (Avec l’argent d’Ángel puisque Fidel ne gagne pas sa vie.) Le Cubain est fasciné par le voisin du Nord, il ne cessera jamais de l’être. Il ira encore quatre fois, dont une, mémorable, officiellement invité, plus trois fois à l’ONU, à New York. Il a trouvé une justification marxiste à ce « complexe amour-haine » :il y a le peuple, que rien ne devrait séparer des Cubains puisque les peuples sont frères ; et la Maison Blanche, occupée par des présidents impérialistes et réactionnaires.
Le couple s’installe, à son retour des États-Unis, dans un modeste hôtel – payé, comme il se doit, par Ángel. L’amour fait des miracles : Mirta, pourtant habituée aux aises d’une jeune fille bien née, n’émet pas une plainte. Quant à Fidel, vivre à la spartiate n’a jamais été pour lui un problème. L’année 1949 est ainsi l’une des plus paisibles de sa vie. Le 1 er septembre, un enfant lui naît, un fils. Il est prénommé… Fidel, et aussitôt surnommé « Fidelito » – petit Fidel. Le père est fou de joie, tous l’attestent. Ce garçon, qui, devenu adulte et ingénieur, restera longtemps responsable d’une « Agence cubaine pour le nucléaire », aura été l’unique fierté qu’on sache du « commandant » non liée à ses activités publiques.
Mais voici que Castro reprend du service politique. L’occasion est sérieuse. Le président vient en effet, comme son prédécesseur, de baisser les bras devant les groupes d’action : il décide, pour tenter de mettre fin à leurs affrontements, d’engager dans la fonction publique tous les gangsters répertoriés ! Ce « pacte » provoque un tollé dans l’île. Un comité se crée pour le dénoncer, animé par Alfredo Guevara pour les universitaires communistes et par le président national des Jeunes orthodoxes, Max Lesnik. Fidel prend feu lui aussi. Mais ses deux amis lui font observer
Weitere Kostenlose Bücher