Fidel Castro une vie
tout à fait apuré les comptes en ce domaine : deux fils à la patte lui restent, certes sans lien avec Al-Qaida ou l’Afghanistan, mais sait-on jamais avec Washington ? Le
Lider
a une vieille inclination vers l’ETA basque, réactivée par hostilité envers le Premier ministre Aznar ; et il a surtout une complicité d’un demi-siècle avec l’ELN (Armée de libération nationale) colombienne qui, dans son fief en limite des Andes et des Llanos, se livre au sabotage de pipelines et enlèvements à fin de rançon.
Ce sont ces ambiguïtés qui font que Cuba a été classée par l’administration américaine au nombre des
« rogue states
» – dans l’« axe du mal » – avec rien de moins que l’Irak, l’Iran, la Libye, la Syrie, le Soudan et la Corée du Nord.
Alors Castro, pour la clarté des choses mais aussi dans le droit-fil d’une amitié toujours proclamée avec le « peuple » américain, jugé innocent des turpitudes de ses élus, déclare, le 11 septembre même, sa « profonde douleur » pour les victimes (près de trois mille seront recensées, et des milliers sont blessées), et il propose une aide humanitaire. D’emblée aussi, il déclare que « la guerre » en réponse, qu’il pressent, « ne résoudra rien ». Enfin, il rappelle que « Cuba a été le pays au monde qui a le plus souffert d’attaques terroristes » – sous-entendu : de la part d’émigrés cubains tolérés, et jadis soutenus, par « l’empire ». Il dira aussi avoir été contacté par les services secrets américains pour le cas où il aurait des informations sur ceux qui viennent ainsi de porter une « attaque majeure » contre l’Amérique…
Or, très vite, une certitude va s’imposer à Washington : c’est la mouvance la plus extrémiste de l’islam, et nul autre, qui a organisé ces attentats, et c’est contre elle que devra, dès lors, se concentrer la première riposte. Avec l’attaque rapidement menée contre l’Afghanistan, hôte d’Al-Qaida, pour en chasser les talibans, Castro va donc pouvoir souffler à nouveau.
Et de fait, prenant occasion de l’ouragan Michelle qui, deux mois après le 11 septembre 2001, a ravagé Cuba, l’administration Bush a décidé, pour « raisons humanitaires », d’ouvrir une brèche inédite dans l’embargo en autorisant la vente de produits alimentaires américains à Cuba. L’« humanité », en la circonstance, faisait bon ménage avec la revendication lancinante des fermiers américains de pouvoir exporter leurs produits vers l’île caraïbe. Peu médiatisée, cette mesure a amplement débordé ce qui lui a donné cours puisqu’elle va permettre, tout au long de la première décennie 2000, de faire des États-Unis (au détriment de la France), le premier fournisseur de vivres de Cuba pour,
in fine
, un rapport de près d’un demi-milliard de dollars par an.
C’est donc peu dire que, par-delà les gesticulations, chacun des dirigeants, de part et d’autre du détroit de Floride, va poursuivre le jeu tout en passes subtiles qui est celui de chacun de leurs deux pays depuis un demi-siècle : la dénonciation mutuelle des mauvaises intentions de l’autre et le bon usage respectif de l’embargo : un « attrape-suffrages » en Floride (à quoi « W » Bush a dû sa victoire en 2000) et le « cache-sexe » des échecs économiques à Cuba.
Avec, cependant, une interférence de la situation mondiale sur le plan bilatéral : le 7 janvier 2002, un mois après la défaite finale des talibans, entérinée par l’entrée des
GI
dans Kandahar une fois Kaboul tombée, l’administration américaine informera La Havane qu’elle va créer dans la base de Guantanamo, sur le sol cubain donc, une prison où seront « traités » les « combattants ennemis ». Ce sera dénoncé par Castro mais avec la prudence que, instruit par la crise des fusées d’octobre 1962, il observe en la matière lorsque sont en jeu les affaires d’État du grand voisin.
Ce sera dès lors, toutes les années qui vont suivre, un fameux bal des hypocrites. Bush, le seul président américain depuis 1959 à n’avoir jamais tenté de négocier avec Castro, va, de façon lancinante, accuser son homologue cubain d’être partie prenante du terrorisme international. Et Fidel, lui, va focaliser ses attaques sur le « terrorisme » des États-Unis. Il dit : en quatre décennies, Cuba n’a jamais commis d’acte violent surle territoire américain. Et tel n’est pas le cas des « mercenaires
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