Fidel Castro une vie
de l’empire ». Ainsi nomme-t-il, en premier lieu, les extrémistes de Miami financés par la FNCA de feu Jorge Más Canosa, qui attaquent l’île par des attentats indiscriminés ou le visant lui, avec au minimum la tolérance des dix présidents qui se sont succédé depuis 1959. Mais aussi, pour Fidel, les « mercenaires » sont les opposants intérieurs qui reçoivent une aide financière du Nord, aux termes du « volet 2 » de la loi Torricelli.
Sur la base de ce dialogue de sourds (et de près d’un demi-siècle d’antagonisme), les « frictions » vont se développer autour de trois thèmes en ce début des années 2000. Il y a d’abord, chronologiquement, le cas de Luis Posada Carriles. Ce Cubain, émigré en Floride dès 1960, est aussitôt entré dans l’opposition au castrisme après un entraînement par la CIA. Après l’échec de l’invasion de la baie des Cochons, il a cocréé un groupe d’action nommé Alpha 66. Sa plus atroce réussite a été, à l’automne 1976, la destruction en vol d’un avion de la Cubana qui a fait soixante-treize morts. Arrêté au Venezuela, il y est resté détenu, sans procès clair, jusqu’à son évasion en 1985. Sa trace se perd ensuite (mais sans doute pas pour tous les services secrets). Elle se retrouve ensuite en 1998, où il revendique, dans une interview au
New York Times
du 12 juillet, la série d’attentats qui a frappé, l’année d’avant, une demi-douzaine d’hôtels à La Havane et à Varadero. En l’an 2000, certains éléments lui font attribuer une tentative d’assassinat de Castro lors d’une réunion de chefs d’État, en décembre, à Panama. En 2005, Cuba dénonce sa présence à Miami. Et, de fait, il va y être arrêté pour… entrée illicite sur le territoire américain. Mais la Justice refusera de l’extrader au Venezuela ou à Cuba. Le cas est énorme – la commission des droits de l’homme de la Chambre des représentants s’en est émue. Finalement, en 2012, la justice américaine exonérera Posada Carriles de toute charge. Dans sa
Biographie à deux voix
, composée de 2003 à 2005 avec Ignacio Ramonet, Fidel en fera l’emblème des ambiguïtés, des compromissions américaines avec le terrorisme – et ce en pleine « guerre contre la terreur » assortie de dénonciations de George W. Bush contre le régime cubain…
Deux autres affaires se sont entremêlées au cas ci-dessus durant les dernières années au pouvoir du
Lider
. L’uneest l’arrestation, en 1998, de Cubains des services de Sécurité détectés comme ils surveillaient la station aéronavale de Key West. Certains ont pu s’échapper, d’autres ont accepté de collaborer en vue de réductions de peine, et cinq ont été condamnés pour espionnage à des séjours en prison allant de dix ans à perpétuité. Ils ont plaidé que leur mission était de « pister » les contre-révolutionnaires préparant des actes violents contre Cuba, et notamment des incursions aériennes dans le style de celles des « Frères à la Rescousse ». Les cinq sont tenus par Castro pour des « héros », en faveur desquels il a organisé maintes manifestations et multiplié les soutiens dans la presse. La façon dont ils ont été jugés fait parfois l’objet de remises en cause judiciaires aux États-Unis.
L’autre affaire dont il a été plus discrètement fait état vers la même époque est l’arrestation, le 21 septembre 2001 – dix jours après les attaques contre le World Trade Center et le Pentagone –, et la condamnation subséquente à vingt-cinq ans de prison d’une Américaine de Porto Rico, Ana Belén Móntes. Cette « analyste en chef » à la DIA (Agence du renseignement pour la Défense), qui a plaidé coupable et pleinement collaboré, fournissait depuis seize ans à Cuba des informations d’une grande acuité, notamment sur des manœuvres de la Navy au large de l’île caraïbe, sur les mouvements d’espions et le système de surveillance électronique américain en direction du Sud. Les commentateurs américains divergent sur l’ampleur des dommages infligés à la sécurité des États-Unis, mais plus d’un juge qu’Ana Belén aura été l’une des taupes les plus efficaces de la fin de la guerre froide jusqu’au tout début du troisième millénaire. Elle aurait fourni des éléments clés du rapport de 1998 qui a permis au Pentagone de conclure que « Cuba n’est plus une menace »… Fidel lui-même aurait, assurent certains, été
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