Fidel Castro une vie
a obtenu de prononcer lui-même. Ses derniers mots, « L’histoirem’absoudra », deviendront le titre du « Petit livre rouge » de la Révolution.
Reconstitué de mémoire par Fidel, ce texte est censé suivre les grandes lignes de ce qu’il a soutenu devant ses juges. Marta Rojas authentifiera cette assertion. Mais sans doute, dans la version écrite, des formules ont-elles été polies, d’autres ajoutées. Castro apporte sa note de roublardise dès l’exorde : « Messieurs les magistrats, jamais un avocat n’a eu à exercer sa profession dans des conditions aussi difficiles… En tant qu’avocat, je n’ai pas pu voir le dossier. En tant qu’accusé, il y a aujourd’hui soixante-seize jours que je suis enfermé dans une cellule solitaire, entièrement au secret. » Subtilement, il transforme en une iniquité supplémentaire cette confusion de rôles qui est son arme ! « Celui qui vous parle, continue-t-il, déteste la vanité puérile. Son humeur, son tempérament ne le prédisposent guère à poser en tribun. » Fidel annonce, superbe, que l’article 148 du Code de défense sociale qui l’accuse ne sera pas son horizon : « On pourrait penser, s’écrie-t-il, que je me bornerai à tourner autour de ces lignes comme un esclave autour d’une meule. Je n’accepterai d’aucune façon. »
Castro parle d’abord de l’attaque, « réalisée avec une magnifique coordination » ! Il assure : « La moitié de nos forces, de loin les mieux armées, s’égara à la suite d’une regrettable erreur à l’entrée de la ville. » En fait, une seule voiture semble s’être perdue, mais Fidel veut démontrer que « ça » aurait pu marcher. Il insiste sur la « générosité » des assaillants, qui ont traité les soldats « avec un absolu respect ». « Du côté de l’armée, la discipline laissait à désirer », ajoute-t-il. Des explications à l’échec ? « Nous avons eu tort de diviser l’unité de commando. » Mais pour l’essentiel, c’est le hasard, « la rencontre accidentelle avec la patrouille », que Castro incrimine. Il n’explique pas pourquoi l’ordre de retraite qu’il a donné n’a pas atteint le groupe de l’hôpital. Il réfute l’argument du gouvernement selon lequel « le peuple n’a pas appuyé notre mouvement ». « Santiago croyait qu’il s’agissait là d’une lutte entre soldats. Et d’ailleurs, les seuls civils qui ont été en contact avec les insurgés, les infirmières de l’hôpital, ont servi d’auxiliaires à nombre de nos combattants. »
Ici, Fidel rode ce qui deviendra l’une de ses méthodes oratoires les plus éprouvées : l’accumulation, sans notes, d’unecascade de chiffres pas toujours vérifiables. Dans ce cas précis, Hugh Thomas, très critique à l’égard de Castro, admet qu’ils étaient « grosso modo acceptables » et apparemment tirés d’une étude publiée dans un ouvrage du secrétaire général du PSP, Blas Roca. Castro évoque donc « les six cent mille Cubains sans travail, les cinq cent mille ouvriers agricoles qui habitent des baraques misérables, qui travaillent quatre mois par an et connaissent ensuite la misère avec leurs enfants, les quatre cent mille travailleurs industriels et manœuvres dont la retraite est compromise, dont on a arraché les conquêtes, dont les logements sont infâmes, les cent mille petits cultivateurs qui vivent sur une terre qui ne leur appartient pas et qui la contemplent toujours avec tristesse, tel Moïse la Terre promise, les trente mille instituteurs et professeurs si dévoués qui se sacrifient pour améliorer le sort des générations futures, les vingt mille petits commerçants écrasés de dettes, ruinés par la crise, les dix mille jeunes intellectuels, médecins, ingénieurs, avocats, vétérinaires, pédagogues, dentistes, pharmaciens, journalistes, peintres, sculpteurs, etc. qui achèvent leurs études, remplis d’espoir et prêts à lutter, et se trouvent dans une impasse… ». Fidel Castro, les Cubains le sauront quelques années plus tard, rode ici un genre, celui de la vaticination apocalyptique, dans lequel il se révélera un maître sa vie entière…
En cas de victoire, Fidel aurait immédiatement annoncé à ce peuple en souffrance « cinq lois révolutionnaires ». La première lui « rendait la souveraineté » et « proclamait la Constitution de 1940 loi suprême de la République », en attendant qu’il la modifie ou la change. Contre ceux qui violeraient cette
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