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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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a été dit. Plus d’un passage a pu, d’évidence, être retourné contre son auteur après qu’il sera devenu le maître de Cuba.
L’Histoire m’absoudra
sortira de l’île des Pins par un procédé connu : Fidel l’écrit par fragments avec du jus de citron entre les lignes adressées à des parents ou amis. Chauffée avec un fer à repasser, l’encre sympathique brunit et devient lisible. Melba, libérée, collectera les morceaux du puzzle. Tout sera prêt au printemps 1954 et mis en circulation à vingt mille exemplaires. La vraie fortune de ce document ne commencera pourtant que lors de son retirage en 1958, l’écho de la guérilla dans la Sierra Maestra aidant.
    Sur le moment, l’impact de la Moncada est surtout émotionnel, lié au comportement scandaleux du colonel Chaviano. Le nom de Castro devient certes familier, mais ses idées rayonnent peu. Des positions hostiles seront même enregistrées, comme celle du Parti communiste PSP : « Nous répudions les méthodes putschistes caractéristiques des factions politiques bourgeoises… L’héroïsme des participants est stérile. »
    Fidel arrive à la prison de l’île des Pins le lendemain de son procès. C’est un pénitencier modèle, un des premiers construits en Amérique latine selon les normes d’hygiène et de confort déshumanisées depuis peu en usage aux États-Unis. Castro reprend le commandement à Miret et Raúl. La vie, qui a commencé de s’organiser, est spartiate : non seulement en raison des conditions propres à toute détention, mais aussi par choix. Ainsi décide-t-on de ne pas fêter Noël en mémoire des morts du 26 juillet. On se choisit un règlement plus rigoureux que l’officiel, pour n’en pas sembler dépendre. On constitue aussi une bibliothèque avec les envois effectués par les parents et amis. On organise une « école » où les anciens universitaires, Fidel tout spécialement, font profiter les autres de leurs connaissances.
    Le groupe a été installé dans un pavillon indépendant des quatre grands corps de bâtiment qui composent la prison. La réflexion politique, qui n’a jamais eu lieu, commence. On étudie les raisons de l’échec et on lance des plans d’avenir. Car nul n’imagine rester dix ou quinze ans enfermé ! On joue au volley-ball et au ping-pong. Le traitement est des plus humains.
    Et puis a lieu un incident qui bouleverse l’ordinaire : Batista vient à la prison ! Esprit de provocation ? Oui et non : pour inaugurer un générateur ! Les vingt-cinq décident de ne pas laisser passer l’événement. Ils se postent de façon à ce que le dictateur entende leur « Hymne du 26 juillet », qui fustige « la plaie des mauvais gouvernements et des tyrans insatiables ». Les sanctions ne se font pas attendre. La plus grave : Fidel est conduit dans une cellule isolée. Au bout de six mois, Raúl sera autorisé à rejoindre son frère. On imagine que l’aîné dut alors parler, parler – à étourdir son cadet.
    Fidel dévorera livre sur livre. Il a toujours été amateur de lecture, mais son activité frénétique ne lui a pas laissé grand loisir. Cette fois il comble ses lacunes. Il en parle dans ses
Lettres de prison
, rassemblées dès la victoire de 1959 par un de ses camarades, ex-secrétaire des Jeunesses orthodoxes, Luis Conte Agüero. Pêle-mêle, il absorbe Balzac, France, Gorki, Cronin, Hugo, Shakespeare, Tourgueniev, Thackeray, Maugham, Dostoïevski… On ne sait guère ce qu’il en a pensé : le plaisir esthétique est étranger à son univers. Il s’adonne surtout aux penseurs contemporains. Kant, sur lequel il s’endort. Marx, bien sûr, dontil poursuit l’exploration, notamment avec
Le
18
Brumaire de Louis Bonaparte
et
La Guerre civile en France
. De l’Antiquité, qu’il découvre à travers les
Vies parallèles
de Plutarque, il aime l’esprit « révolutionnaire » de certains, tel Jules César. De l’époque contemporaine, il absorbe tout ce qui lui tombe sous la main. Il veut tout savoir de l’Amérique, au sens large, celle du Sud, dont l’intéressent les écrivains politiques, mais aussi celle du Nord : il se pique de curiosité pour le New Deal de Roosevelt. « Formidable école, cette prison ! », écrit-il.
    Les six mois, de février à août 1954, qu’il a passés dans l’isolement auront été parmi les plus difficiles de sa vie. Car l’une des rares faiblesses de Castro est de mal supporter la solitude. Il en est malade. Il écrit à un

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