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Fiora et le Magnifique

Fiora et le Magnifique

Titel: Fiora et le Magnifique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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échecs. Cependant, les
femmes vaquaient au repas du soir ou causaient entre elles quand la besogne
était achevée. Quant aux enfants – uniquement les garçons, bien sûr – leurs
cris et le bruit de leurs jeux emplissaient les rues et les places... Puis, à l’appel
de l’Angélus, chacun rentrait chez soi car il ne faisait pas bon errer, à la
nuit close, hors de son logis.
    La
Florence respectable s’endormirait entre ses murailles aux soixante-huit tours
de guet ou de défense, gardée par ses soldats tandis que l’autre, celle du
plaisir et du crime, celle des filles publiques et des coupe-jarrets
commencerait à vivre, sortirait de ses repaires et s’infiltrerait comme une
marée trouble au long des rues à peine éclairées, de loin en loin, par un brûlot
de fer pendu au portail d’un palais.
    Hors
de l’enceinte, ce serait la paix des douces collines, le vent léger de la nuit
aux branches d’un cyprès, la prière nocturne d’un oiseau dans les olivaies ou
dans les vignes de San Miniato et de Fiesole, répondant à la cloche grêle d’un
monastère de campagne mais, dans la ville, la débauche, la terreur et la mort
rôderaient jusqu’à ce que le chant des coqs chassât les oiseaux de nuit et les
rejetât, apeurés et clignant des yeux, dans leurs trous équivoques. Et si, pendant
les heures nocturnes, un cri déchirait l’ombre entre les rondes de la milice,
les bourgeois de Florence n’en dormiraient pas d’un sommeil moins paisible,
confiants en la puissance de leur ville et en la protection de Santa Reparata,
sa patronne : le sang du ruisseau ne ferait pas plus rouge le lys de
Florence.
    Cette
Florence-là, ni Fiora ni Chiara ne la soupçonnaient, abritées qu’elles étaient
par les murs épais de leurs palais gardés par de nombreux serviteurs. Elles n’en
connaissaient que l’aimable image diurne, que les heures de soleil qui
chauffaient les marbres polychromes du Duomo, l’admirable cathédrale Santa
Maria del Fiore à qui la superbe coupole de Brunelleschi avait valu ce surnom.
    Les
promeneuses s’attardèrent un moment devant les cages des lions installés
derrière la Seigneurie. Les animaux royaux étaient les fétiches de la cité qui
veillait sur eux avec un soin jaloux et il suffisait que l’un d’eux manquât d’appétit
pour que les gens bien informés se missent à prophétiser une catastrophe
prochaine ; et, si l’un d’eux mourait, la Vacca, la grosse cloche de la
Seigneurie qui ne sonnait que le tocsin, s’ébranlait comme pour une rébellion.
    Musant,
bavardant, répondant aux nombreux saluts rencontrés en chemin, on finit par
arriver au Canto dei Tornaquinci où l’apothicaire tenait boutique. C’était un
carrefour continuellement animé grâce à la maison des pompes funèbres qui y
était installée et dont les employés jouaient au palet devant la porte en
attendant le client.
    D’un
geste assuré, Colomba poussa une porte basse au rez-de-chaussée d’une maison de
belle apparence, avec loggia et colonnettes de marbre, où une grande enseigne
peinte de couleurs gaies annonçait : « Aux Étoiles... Ser Luca
Landucci apothicaire. » Et les quatre femmes pénétrèrent dans une grande
pièce en contrebas, sous un beau plafond sculpté et enluminé car Landucci était
un homme riche et considéré qui jouait son rôle dans l’administration de la
cité. C’était aussi un ami de Francesco Beltrami et Fiora aimait aller chez lui
plus encore que chez Bisticci parce qu’il était aimable et gai et parce que,
dans sa maison, on respirait de merveilleuses odeurs de plantes séchées et d’épices
fines.
    Sa
boutique, avec ses rangées de pots de majolique bleue et verte, de fioles
étroites aux longs cols de verre translucide, ses mortiers de pierre et de
bronze, ses boîtes d’argent ou de bois exotiques et les grandes balances de
cuivre disposées sur le comptoir de beau chêne sombre admirablement ciré,
respirait l’ordre et, en général, la tranquillité qui convient aux hommes de
savoir. Or quand la petite troupe y pénétra, la maison retentissait des éclats
d’une violente dispute : deux femmes, qu’à leurs vêtements élégants on
pouvait classer dans les bons rangs de la société, s’y querellaient avec l’ardeur
et l’impétuosité verbale des poissonnières du Mercato Nuovo.
    – Espèce
de vieille ânesse, clamait l’une, je t’apprendrai qui je suis !
    – Il
y a longtemps que je le sais. Si tu étais un bœuf au

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