Fiora et le Magnifique
impitoyable cruauté. Il répéta le récit d’Antoine Charruet avec une
émotion qui fit trembler sa voix à l’évocation du calvaire gravi par Marie dans
la maison de son époux et à celle des efforts désespéré de sa mère pour obtenir
une grâce qui lui avait été, et par deux fois, impitoyablement refusée. Enfin,
il dit comment il avait sauvé un bébé de la mort, comment il avait décidé d’en
faire son enfant et comment Léonarde spontanément avait offert de veiller
désormais sur la petite fille privée de sa mère.
Quand
il eut fini, Léonarde pleurait mais les yeux de Fiora étincelaient de colère et
d’indignation :
– Tous
ces gens méritaient la mort plus que... mes pauvres parents ! Ce du Hamel
d’abord qui n’est qu’un misérable, et puis ce père qui n’a pas voulu défendre
ses enfants. Enfin ce duc Philippe et ce comte de Charolais qui n’ont pas su
avoir pitié, qui ont voulu cette exécution publique, cette fosse ignoble, cette
honte !
– Le
duc Philippe est mort, Fiora. Quant au comte de Charolais, il est à présent le
duc Charles, ce Téméraire à qui messire de Selongey a voué une fidélité
absolue...
Le
rappel au nom de son époux ramena Fiora à l’heure présente.
– Philippe !
... C’est lui qui m’a parlé de Jean de Brévailles ! Il l’a connu jadis,
alors qu’il était lui-même page du comte de Charolais et sa ressemblance avec
moi l’avait frappé... Est-ce que... est-ce qu’il savait lui aussi ?
– Oui...
C’est même parce qu’il savait tout que j’ai accepté de vous marier.
Fiora
se releva si brusquement qu’elle bouscula la table d’où tombèrent quelques
papiers :
– Ne
me dites pas qu’il a employé le même moyen que cette affreuse Hieronyma pour
obtenir ma main, ce chantage indigne ?
Beltrami
chercha des yeux le secours de Léonarde. Après tout ce qu’il venait de raconter
à Fiora, pouvait-il encore lui assener cette vérité-là ? Elle était encore
bien jeune pour la supporter... Mais Léonarde, qui avait séché ses yeux, se levait
elle aussi et se tenait debout derrière la jeune femme comme si elle craignait
de la voir s’évanouir sous le choc.
– Il
faut lui dire toute la vérité, ser Francesco. Elle a l’âme bien trempée. Il y a
des choses qu’elle ne doit pas découvrir par elle-même. Ce serait plus dur
encore.
– Vous
avez raison, soupira Beltrami. Je vais tout lui dire ; c’est vrai, Fiora,
messire de Selongey a bien employé ce moyen. Il te voulait à tout prix et il m’a
dit être prêt à n’importe quelle action, fût-elle vile pour t’obtenir. La
ressemblance l’a frappé, certes, mais surtout, il cousine avec les Brévailles
et il a réussi à apprendre, je ne sais comment, ce qui s’était passé ce jour de
malheur. Il savait que la fille de Marie vivait à Florence auprès d’un riche
marchand qui en avait fait sa fille. Quand il t’a vue, il a su tout de suite
qui tu étais et il ne t’a parlé du jeune écuyer que pour voir si tu savais...
De
tout cela, Fiora ne retenait qu’une chose : Philippe pouvait, pour elle,
aller jusqu’au crime ! Un bonheur infini illumina son visage.
– Il
m’aime donc à ce point ! Oh ! Philippe ! Une autre te
reprocherait peut-être d’avoir employé un tel moyen, moi je t’en remercie car
il m’a permis d’être à toi, ta femme jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Beltrami,
soudain, ne put supporter ce regard extasié, cette passion qui vibrait dans la
voix de sa fille. La jalousie l’emporta plus loin peut-être qu’il ne l’aurait
voulu.
– Tu
ne le reverras jamais, Fiora ! Jamais, comme tu le crois, il ne viendra te
chercher pour te mener à son château et à la cour de son maître. Il ne voulait
de toi qu’une nuit, une seule pour assouvir l’ardeur que tu lui inspirais mais
toi, tu dois passer ta vie ici, auprès de moi !
Comme
un nuage éteint le soleil, le visage de Fiora perdit toute lumière. Elle
vacilla sous le coup. Croyant qu’elle allait tomber, Léonarde voulut la prendre
dans ses bras mais Fiora la repoussa doucement.
– Je
ne sais pas encore tout, n’est-ce pas ? Le notaire, la bénédiction au
couvent, tout cela n’était donc que comédie, faux-semblant.
– Non.
Tu es bien véritablement la comtesse de Selongey et rien ne peut plus être
changé à cet état de choses... sauf par la mort ! Ton époux ne reviendra
pas parce qu’il va la chercher sous les armes du duc de
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