Fiora et le Magnifique
selle...
– Que
prétendez-vous faire ? demanda Fiora.
– Vos
bagages. Demain à midi nous partons pour Livourne où nous attendrons des
nouvelles de votre père...
Tout
en pliant dans les malles les robes, les manteaux le linge et les souliers de
Fiora, Léonarde fit part à la jeune femme des décisions de Beltrami : il
fallait que sa fille fût loin de Florence au moment où Hieronyma lancerait sa
dénonciation. Fiora s’efforçait de l’aider mais n’était visiblement pas à ce qu’elle
faisait et Léonarde finit par lui arracher la robe qu’elle tenait pour la
ranger elle-même.
– Laissez-moi
faire ! J’irai plus vite sans vous !
– Mais
si mon père ne nous rejoint pas à Livourne, que ferons-nous ?
– Le
capitaine de la Santa Maria del Fiore aura des ordres. Si, au
bout de quarante-huit heures, messer Beltrami ne nous a pas rejointes, il devra
mettre à la voile pour nous conduire en France. Ce sera un long voyage car nous
irons, par mer et fleuve jusqu’à Paris où nous prendrons logis chez le frère de
lait de votre père, Agnolo Nardi, qui tient là-bas le comptoir de la maison. Et
puis nous verrons... A présent dépêchons-nous...
– C’est
inutile. Je ne veux pas quitter mon père. Nous partirons avec lui ou pas du
tout.
Léonarde
qui venait de boucler les courroies d’un coffre se redressa et, les mains sur
ses reins douloureux, demanda :
– Vous
aimez votre père ?
– Quelle
question ! Naturellement je l’aime !
– Alors
obéissez-lui sans chercher à faire de l’héroïsme ! S’il a décidé cela, c’est
parce qu’il pense que c’est la meilleure chose à faire. Vous trouvez qu’il n’est
pas assez malheureux avec ce démon femelle qui prétend mordre au plein de sa
chair ? Vous trouvez qu’il n’a pas assez peur ?
– Je
ne veux pas aggraver ses soucis mais ne ferions-nous pas mieux de fuir tous
ensemble ? Nous aurions pu partir hier soir...
– Fuir,
c’est s’avouer coupable ou tout au moins avouer que l’on a peur. Peut-être ne
partirons-nous jamais pour la France. Cela dépend du Médicis ! Imaginez
que, pour éviter le scandale, il décide de vous marier au cousin Pietro ? Au
moins votre père pourra dire que vous vous êtes enfuie et qu’il ignore où vous
êtes. Mais si le cousin Pietro vous tente...
– Comment
osez-vous me parler de la sorte ? Je suis mariée et vous le savez.
– Je
sais surtout qu’un mariage, surtout secret, peut s’annuler. C’est souvent une
question d’argent. Et l’on dit que le pape Sixte IV aime l’argent plus qu’il ne
convient à un souverain pontife. Alors, vous avez compris ?
– Oui.
Finissons cela et puis essayons de prendre un peu de repos. Vous êtes bien
pâle, Léonarde !
– Si
vous voulez tout savoir, je suis morte de fatigue. Et je serai contente en
effet de me coucher une heure ou deux. Surtout si demain il faut passer la
moitié de la journée à cheval.
Les
bagages étaient terminés. On n’avait gardé que les vêtements pour le lendemain.
Ce qui était nécessaire pour la route était rangé dans le petit coffre. Les
autres furent poussés dans une pièce de débarras attenante à la chambre de
Fiora. Avant de se retirer, Léonarde prit la jeune femme aux épaules pour l’embrasser
mais ne la lâcha pas aussitôt :
– De
quoi souffrez-vous le plus, Fiora ? demanda-t-elle gravement. De la
révélation de votre origine... ou de la conduite de votre époux ?
– C’est
sans commune mesure. J’aimais ma mère sans la connaître et je crois que je l’aime
plus encore pour tout ce qu’elle a souffert. Quant à Philippe de Selongey... oh !
je voudrais le voir mort !
– Et
pourtant vous pleurerez, le jour où vous apprendrez qu’il a été tué. Me
croirez-vous si je vous dit qu’il vous aime plus qu’il ne l’a cru lui-même, qu’il
a été pris à son propre piège ?
– Je
vous ai toujours crue... mais cette fois, il me faudrait une preuve éclatante !
Encore n’est-il pas certain que je lui pardonnerais... Allez dormir !
Léonarde
se disposait à sortir quand Fiora la retint :
– Un
instant, s’il vous plaît !
Avec
des doigts qui ne tremblaient pas, elle tira la chaîne pendue à son cou, sous
sa chemise, l’ouvrit, y prit l’anneau d’or que lui avait donné Philippe et le
tendit à la vieille demoiselle :
– Tenez !
Faites-en ce que vous voulez ! Je n’ai plus envie de le porter...
Léonarde
la regarda au
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