Fiora et le roi de France
fin.
– Votre
Seigneurie peut dire jusqu’à la dernière minute. J’ai vu le duc, au matin de
Nancy, monter son cheval Moro et s’éloigner dans la brume vers sa dernière
bataille. J’ai eu aussi le privilège d’assister à ses funérailles...
Tandis
qu’elle parlait, le visage un peu figé de Marie s’animait, se colorait :
– Pourquoi
n’être pas venue plus tôt ? Dieu ! J’aurais tant de questions à vous
poser, tant de choses à vous dire ! Mon père, je le sais, estimait votre
courage...
– Mon
époux n’a jamais exprimé le désir de me conduire auprès de Votre Seigneurie, et
je ne cache pas qu’un assez grave différend s’est élevé entre nous. Mais ceci
est de peu d’importance à présent et, comme je ne veux pas retarder trop
longtemps la chasse...
– C’est
vrai, mon Dieu, la chasse ! Madame d’Hallwyn, veuillez dire à mon
seigneur-époux qu’il parte sans moi. Je ne chasserai pas aujourd’hui.
– Mais,
coupa Fiora, il est inutile que Votre Altesse se prive...
– Je
peux chasser chaque jour s’il me plaît. Aujourd’hui, je préfère parler avec
vous... à moins que vous ne préfériez vous installer dans ce palais pour
quelques jours ?
– Non,
Madame la duchesse ! Je vous rends grâces, mais, si mon époux ne se trouve
pas à Bruges, je repartirai demain.
A
nouveau, Marie de Bourgogne scruta le visage de sa visiteuse, y cherchant
peut-être le reflet d’une émotion qu’elle ne trouva pas.
– Venez
avec moi ! Il faut vraiment que nous causions. Suivant la duchesse, Fiora
traversa une grande chambre somptueusement meublée où deux dames de parage,
aussitôt plongées dans leurs révérences, s’affairaient à ranger du linge et des
coiffures, puis gagna une petite pièce tendue de velours rouge à crépines d’or
qui lui rappela, en réduction bien sûr, le grand tref d’apparat du Téméraire où
elle avait rencontré le prince pour la première fois. L’ameublement s’en
composait surtout de livres, d’un écritoire et, devant la cheminée en
entonnoir, d’une bancelle garnie de coussins sur laquelle Marie vint s’asseoir
en attirant Fiora auprès d’elle.
– Philippe
de Selongey est un homme peu bavard, soupira-t-elle, et je n’ai pas compris
grand-chose à votre histoire à tous deux, mais, comme je ne veux pas forcer vos
confidences, dites-moi seulement depuis combien de temps vous n’avez pas vu
votre mari ?
– Depuis
deux ans, Votre Seigneurie. La vie s’est plu à nous séparer sans cesse et j’en
ai beaucoup souffert. C’est pourquoi je voudrais tant le retrouver.
– Qu’est-ce
qui a pu vous faire penser qu’il était ici ?
– Monseigneur
le Grand Bâtard Antoine, que j’ai rencontré par hasard.
Un
éclair de colère traversa le regard brun et la jolie bouche ronde se serra :
– Mon
bel oncle qui, à peine mon père porté en terre, s’est hâté de rejoindre mon
cher parrain, le roi Louis ! Nous formons en vérité une étrange famille où
le parrain dépouille sa pupille et où les meilleurs amis de son père l’aident
dans cette entreprise...
– Monseigneur
Antoine pense que ce qui fut terre de France doit redevenir terre de France. Il
est fort dommage que Votre Seigneurie n’ait pu épouser le dauphin Charles. Elle
eût fait une grande reine...
– M’imaginez-vous
épouser un enfant de huit ans ? s’écria Marie en riant. Evidemment, il
était tentant de régner sur la France, mais je ferai, du moins je l’espère, une
bonne impératrice d’Allemagne. Ceci dit, ce que l’on vous a rapporté est vrai :
messire Philippe était ici à la Noël. Je suppose que c’est par Mme de
Schulembourg que le Grand Bâtard l’a su ? Elle est fort amie de sa femme...
– C’est
elle, en effet. Puis-je à présent demander où se trouve mon époux ?
La
duchesse se leva et accomplit deux ou trois fois le tour de la pièce avant de s’arrêter
devant Fiora.
– Comment
pourrais-je le savoir ? Il n’est resté que deux ou trois jours. Vous
autres, Selongey, semblez incapables de demeurer en place un temps raisonnable.
– Où
est-il allé ensuite ?
– Mais
je n’en sais rien ! Et je n’ai même pas compris le motif de sa venue. Nous
n’avons eu de lui qu’une figure longue d’une aune ! En pleine période des
plus douces fêtes de l’année !
Fiora
retint un sourire dédaigneux. Cette petite princesse avait beau porter en elle
le sang bouillant du Téméraire, du diable
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