Fiora et le roi de France
crois ?
– En
effet, Sire.
– Alors
vous devez savoir où il est ? Je n’ai pas compris pourquoi il n’était pas
revenu vers moi après la chute de Nancy. Sa vengeance était accomplie avec la
mort du duc Charles, et le jeune René de Lorraine n’avait pas besoin de lui.
Alors ? Mon service ne lui convenait-il pas ?
– Le
Roi ne le pense pas, j’imagine, car Démétrios aimait à le servir mais une...
brouille s’était installée entre nous et il a préféré retourner à Florence. Où
il se trouve toujours.
– Et
moi, dans tout cela ?
– Il
pensait sérieusement que le Roi n’avait plus besoin de lui. C’est un homme de
grande modestie...
– Lui ?
ricana Louis XI. Il est orgueilleux comme un paon. En tout cas, il ne devait
pas agir ainsi. C’est moi qui souffre et pas lui. Puisque vous savez où il est,
écrivez-lui de revenir ! La lettre sera portée par l’un de mes
chevaucheurs...
– Sire,
je lui ai déjà demandé de revenir avec moi, mais il a vieilli et craint les
longs voyages. Peut-être parce qu’il a trop couru le monde. Et puis la mauvaise
saison arrive. A son âge...
– Ouais !
Le roi de France, lui, peut endurer mort et martyre pendant qu’il se dorlote au
soleil. Eh bien, écrivez-lui qu’il m’envoie de sa pommade miracle ! Je le
ferai venir au printemps. Parlons de vous, à présent ! Vous êtes allée gambader
avec mon mulet d’Ecosse ?
– Le
Roi pense-t-il vraiment que gambader soit le mot approprié ? Nous avons
fait un voyage long et fatigant et...
– Bon,
bon ! Je retire gambader. Excusez-moi, donna Fiora ! Je suis de très
méchante humeur !
Comme
se parlant à lui-même, il expliqua alors que, si une trêve existait entre le
couple Marie de Bourgogne -Maximilien d’Autriche et lui-même, le roi Edouard d’Angleterre,
si parfaitement berné, mais payé, à Picquigny, entendait à présent appliquer
une des clauses du traité : le mariage entre le dauphin et sa fille
Elizabeth.
– Ce
rat veut nous envoyer sa fille dès à présent pour conclure le mariage et
recevoir les soixante mille livres que je dois payer par an pour la main de
cette princesse... dont je ne veux pas. Fi donc d’une Anglaise sur le trône de
France ! En outre, mon fils, à huit ans, est trop jeune pour se marier. Il
me faut trouver un moyen de faire tenir Edouard tranquille.
– Et...
le Roi a trouvé ce moyen ?
– Le
temps ! Rien que le temps ! En outre, j’ai à
Londres
un ambassadeur, Marigny, qui est habile homme. C’est bien le diable si à nous
deux nous n’arrivons pas à jouer Edouard. D’autant qu’il a épousé une fille de
petite noblesse et que son trône, guigné par son frère Gloucester [xii] n’est pas si
solide qu’il le croit... Mais comment en sommes-nous venus à parler politique ?
Nous en étions, je crois, à votre équipée à Villeneuve-Saint-André ? Il
semblerait donc que le comte de Selongey, après avoir fui le château de
Pierre-Scize, ait trouvé asile à la chartreuse du Val-de-Bénédiction ?
– Oui,
Sire. Mortimer a dû vous le dire ?
– En
effet. Il aurait profité d’un pèlerinage pour fausser compagnie aux bons pères ?
Ce qui prouve, selon moi, qu’il avait perdu la mémoire beaucoup moins qu’on ne
le pensait.
– Sire !
protesta Fiora scandalisée. Mon époux, jouer un tel rôle ?
– Et
pourquoi pas ? A Villeneuve qui nous appartient, il pouvait craindre de n’être
pas en sûreté.
– La
chartreuse est lieu d’asile !
– Sans
doute, mais vous êtes une enfant et vous n’imaginez pas combien de lieux d’asile
sont peu sûrs dès que certains intérêts sont en jeu. Votre époux est un homme
intelligent. En revanche, je suis surpris que votre séjour à Rome vous ait
laissé tant d’innocence.
Fiora
se sentit rougir et chercha une contenance en tordant le petit mouchoir qu’elle
avait tiré de sa manche. Le roi ne faisait aucune allusion au cardinal della
Rovere et semblait tout ignorer de l’aventure tragique dans laquelle il l’avait
entraînée.
A
nouveau le silence, troublé seulement par le crépitement du feu, s’établit
entre eux. Louis XI caressait la tête de son chien favori et cherchait une
gâterie pour l’un des épagneuls qui, après s’être étiré longuement, s’approchait
de lui et se couchait à ses pieds...
– Les
chiens sont les meilleurs amis, les plus sûrs, les plus fidèles que puisse
avoir un homme. A plus forte raison un roi,
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