Fiora et le Téméraire
venir ! Il va venir bientôt, celui qui est ton maître et le mien, et je
saurai quoi lui dire !
Haussant
les épaules, elle courut s’enfermer dans sa chambre mais elle passa d’abord par
la cuisine où elle rafla un couteau, bien décidée à s’en servir contre
quiconque l’attaquerait et, s’il n’y avait plus d’espoir, contre elle-même.
Mais
Campobasso ne revint pas... Ce qui vint, par un matin chargé de brume des
premiers jours de novembre, ce fut, sous la bannière de Bourgogne, une troupe
de cavaliers escortant un officier déjà âgé, à la mine hautaine, devant lequel
il fallut bien ouvrir les portes quand il eut crié :
– De
par Monseigneur Charles, prince et duc de Bourgogne, comte de Charolais, moi,
Olivier de La Marche, chevalier de l’honorable ordre de la Toison d’or et
capitaine des gardes de mondit seigneur le duc, vous somme d’ouvrir à notre
requête l’accès de ce château !
Rassemblant
en hâte un piquet d’honneur et passant son meilleur tabard, Salvestro fit
abaisser le pont et lever la herse. Aussitôt les cavaliers s’engouffrèrent et s’avancèrent
jusqu’au milieu de la cour.
– J’ai
à parler, dit le chef, à celui qui commande cette place.
– C’est
moi, monseigneur. Salvestro da Canale, écuyer de Mgr le comte de Campobasso et
tout à votre service.
– Je
l’entends bien ainsi. Vous devez me remettre une femme, une certaine Fiora
Beltrami. Elle est bien ici ?
– Certes...
mais j’ai reçu ordre de veiller sur elle et de la garder par-devers moi tant
que mon maître ne me donnera pas ordre de la libérer.
Le
capitaine se pencha et, sans effort apparent, saisit Salvestro par le col de sa
tunique et le souleva de terre :
– Moi,
c’est au duc de Bourgogne que j’obéis et il m’a commandé de quérir cette femme
et de la lui amener ! As-tu entendu ?
– Il
a très bien entendu, coupa la voix froide de Fiora qui s’avança de quelques pas
hors du logis. Je suis Fiora Beltrami. Que me voulez-vous ?
Sans
songer à cacher sa surprise en face de cette mince jeune femme à l’allure fière
et toute de noir vêtue qui posait sur lui le calme regard des plus grands yeux
qu’il ait jamais vus, Olivier de La Marche baissa involontairement le ton pour
déclarer :
– J’ai
ordre de vous arrêter et de vous conduire par-devers mon maître.
– M’arrêter ?
Ai-je donc commis quelque crime ?
– Je
l’ignore. Etes-vous prête à me suivre de bon gré ?
– Et
même avec plaisir ! fit-elle avec un étroit sourire dont elle adressa la
fin à Salvestro qui luttait visiblement contre une colère. Puis-je emporter ce
qui m’appartient ? C’est peu de chose, d’ailleurs.
– Sans
doute. Un de mes hommes va vous assister. Pendant ce temps j’entends qu’on
amène ici un cheval tout sellé.
Un
moment plus tard, Fiora revenait, enveloppée de sa mante noire et suivie d’un
soldat qui portait son léger bagage. Un cheval attendait. Elle se dirigea vers
lui mais le capitaine qui avait mis pied à terre s’interposa. Il tenait à la main
une cordelette :
– Je
dois vous attacher. Si vous promettez de ne pas tenter de vous échapper, je
lierai vos mains devant vous...
– Ah !
... C’est à ce point ?
– Oui.
– Bien...
De toute façon, soupira-t-elle, je vous ai dit que j’étais heureuse de quitter
cette prison.
– Même
si une autre vous attend ?
– Quelle
qu’elle soit, je suis certaine de m’y plaire davantage.
Ses
poignets une fois liés, on l’aida à enfourcher son cheval et l’officier disposa
même son manteau autour d’elle, rabattant le capuchon sur sa tête pour la
garantir de la pluie. Puis, remontant en selle, il prit la bride du cheval de
la jeune femme qu’il passa au-dessus de son gantelet.
– Avez-vous
le droit de me dire où vous me conduisez ?
demanda
Fiora tandis que, côte à côte avec La Marche, elle franchissait la porterie de
Pierrefort.
– Il
n’y a là aucun secret. Je vous conduis devant Nancy au camp de Monseigneur le
duc. Nous y serons ce soir.
– Alors,
tout est bien ainsi.
Sous l’abri
de la capuche, elle se permit un sourire. Tout valait mieux que demeurer la
captive de Campobasso, même si cela signifiait l’échec de sa mission. Elle
allait enfin approcher ce prince fabuleux dont ses amis ne disaient jamais
assez de bien et ses ennemis jamais assez de mal, ce Charles le Hardi ou le Téméraire
auquel Philippe de Selongey était enchaîné
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