Fiora et le Téméraire
droit de
prendre l’air que sur le chemin de ronde et flanquée de deux gardes ? Sais-tu
que ton écuyer couche en travers de ma porte ? ...
– N’en
sois pas fâchée, je t’en supplie ! C’est moi qui ai donné ces ordres à
Salvestro. Il le fallait... pour ta sûreté !
– Qu’est-ce
que ma sûreté peut bien venir faire ici ?
– Il
faut comprendre ! Outre que cette place n’est pas absolument sûre, je ne
pouvais te laisser seule au milieu d’une garnison sans prendre quelques
précautions. Je sais trop qu’aucun homme n’est à l’abri de ta beauté. Ceux d’ici
sont faits comme les autres et, après boire, une fenêtre est vite escaladée...
Salvestro !
Le
vieux soldat apparut aussitôt. Il devait être collé contre la porte, comme d’habitude...
– Aide-moi
à enlever tout ça ! lui ordonna Campobasso.
– Peine
superflue, ricana Fiora car tu repartiras comme tu es venu. Je n’accepterais
jamais d’être traitée comme une ribaude !
– Je
te traite comme ma femme, un point c’est tout. -Vraiment ? On dit que
tu l’as tuée ! Vas-tu recommencer ?
– Vous
êtes bien indulgent, Monseigneur, de discuter avec cette créature, grogna
Salvestro qui achevait d’ôter les pièces d’armure. Je vais vous la maintenir et
vous en userez à votre plaisir...
Mais
Campobasso, d’une bourrade, l’envoya balader sur le mur :
– Va
me chercher du vin ! Ensuite, ferme cette porte à clé et reviens me quérir
dans deux heures. Que l’on me tienne un cheval frais !
Pendant
ce temps, l’esprit de Fiora travaillait. Deux heures, ce n’était pas beaucoup.
Et, même, ce n’était pas suffisant... Que se passerait-il si elle réussissait à
l’empêcher de repartir ? Il serait déshonoré, certes, mais de cela elle ne
se souciait d’aucune façon... Et le jeu en valait comme on dit, la chandelle...
Lorsque
Salvestro eut rapporté le vin et que le bruit de la clé tournant dans la
serrure se fut fait entendre, elle se mit à rire. Il restait là, à quelques pas
d’elle, le front soucieux, remâchant visiblement l’accusation qu’elle lui avait
jetée à la tête :
– Cesse
de rire ! Qui t’a dit...
– Que
tu as tué ta femme ? Mais mon cher, cela fait partie de ta légende. Au
surplus, cela ne me préoccupe en rien !
– Qu’est-ce
qui te préoccupe alors ?
– Toi,
peut-être ! Je n’aime pas être traitée comme une esclave captive mais j’aimerais
assez tenir pour assuré d’être réellement ta maîtresse... dans tous les sens du
terme.
– Alors,
mets-moi à l’épreuve ! Commande ! J’obéirai... Mais, je t’en supplie,
ne te refuse pas !
– Soit !
je consens à t’éprouver. Je t’ordonne de rester où tu es et de n’en bouger sous
aucun prétexte avant que je ne te le dise.
– Que
veux-tu faire ?
– Juger
de ton obéissance. Tu ne bougeras pas, sinon... Lentement, très lentement, sans
le quitter des yeux, elle ôta l’écharpe de ses épaules, dénoua le ruban de sa
chemise et la laissa glisser à terre, puis s’étira voluptueusement en soulevant
la masse lustrée de ses cheveux. Campobasso était devenu violet :
– Fiora !
implora-t-il.
– Non,
tu ne bouges pas !
Sans
se hâter, gracieuse et nue, elle alla jusqu’au coffre sur lequel Salvestro
avait posé le vin, s’en versa un gobelet et le but à petites gorgées sans
cesser de sourire à l’homme qu’elle torturait ainsi. Il tomba à genoux et cria
son nom :
– Fiora !
Le temps passe ! Cesse ce jeu cruel !
– C’est
vrai : tu as soif ! Attends ! ... Je vais te faire boire. Cette
fois elle se détourna pour remplir la coupe d’étain mais, en même temps, prit
sur le coffre son aumônière dans laquelle elle gardait son parfum ainsi qu’une
petite fiole, cadeau de Démétrios, bien entendu, et qui contenait un somnifère
dont elle versa deux gouttes. Ses grands cheveux formaient un abri suffisant
pour que Campobasso ne vît pas ce qu’elle faisait. Enfin, élevant la coupe
entre ses deux mains, elle s’approcha de lui et lui tendit le vin.
– Bois !
fit-elle doucement. Pendant ce temps, je vais te déshabiller. Ensuite... nous
irons au lit !
Il
avala le breuvage d’un trait puis, jetant la coupe, enleva la jeune femme dans
ses bras et alla s’effondrer avec elle sur le lit qui protesta. Mais l’effet du
somnifère n’était pas assez rapide pour que Fiora évitât l’assaut furieux que
son amant lui
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