Fiora et le Téméraire
l’augmenter d’un grand
nombre d’édifices, pousser ses remparts jusqu’à Tombelaine et lui donner le
même lustre sous mon règne que Rome en reçut autrefois sous l’empire d’Auguste...
Il
terminait en demandant une assurance d’inviolable attachement à sa personne et
l’assemblée, enthousiasmée, n’attendit même pas qu’il en ait terminé pour lui
jurer fidélité.
– C’est
quelque chose que devenir la capitale d’un grand royaume, dit Nicole Marqueiz à
sa pensionnaire. Quand on sait à quelle richesse ont atteint Bruges, Lille et
Dijon, cela donne à rêver...
– N’aimez-vous
pas votre jeune duc ?
– Il
est charmant mais c’est un enfant, comme dit monseigneur Charles. Il n’est pas
de taille à se mesurer à un tel prince. Il faut vivre avec son temps, que
voulez-vous !
Une
partie de la noblesse lorraine se rallia d’ailleurs au nouveau seigneur. Cela
choquait quelque peu Fiora qui se rétablissait doucement et qui commençait à se
demander ce qu’il en adviendrait d’elle-même. Battista Colonna venait chaque
jour prendre de ses nouvelles et causer avec elle. Il lui avait appris le
départ de Philippe pour la Savoie et aussi la scène violente qui, à cause d’elle,
avait opposé Campobasso au duc Charles. Le condottiere, ayant su que Fiora
demandait l’annulation de son mariage, conçut de grands espoirs et exigea qu’on
lui accordât le titre de fiancé, réclamant du même coup l’autorisation d’aller
visiter chaque jour celle qu’il considérait comme la future comtesse de
Campobasso.
– Monseigneur,
raconta Battista, lui a déclaré qu’il n’était nullement question que vous
puissiez l’épouser, qu’en ce qui le concernait il s’y opposait formellement et
que, d’ailleurs, il entendait vous garder par-devers lui comme otage... terme
que Monseigneur Charles a employé. Toujours est-il que Campobasso est parti en
claquant les portes et en jurant que, de sa vie, il ne servirait un prince qui
ne reconnaissait pas à leur valeur les services rendus. -Parti ? Mais pour
où ?
– Vous
n’allez pas me croire : pour Saint-Jacques-de-Compostelle où il veut faire
pèlerinage !
Fiora
éclata de rire, Campobasso sous la bure et le chapeau du pèlerin lui semblait
une image du plus haut comique.
– Et
il s’y rend avec toute sa troupe de mercenaires ? Cela va faire un beau
cortège !
– Je
crois qu’il va laisser sa condottaà son château de Pierrefort, ce qui
le dispensera de la payer. On dit que, depuis pas mal de temps déjà, il réserve
pour lui-même l’argent qu’il perçoit du duc. Il a annoncé aussi qu’il comptait
rendre visite au duc de Bretagne qui serait un peu son parent...
– N’importe
quoi ! soupira Fiora mais, en son for intérieur, elle était plutôt
satisfaite.
D’une
part d’être débarrassée d’un homme qu’elle jugeait à présent plus qu’encombrant
et ensuite d’avoir, somme toute, parfaitement accompli sa mission. En effet,
connaissant le condottiere comme elle le connaissait, le grand saint Jacques et
le duc de Bretagne devaient se résumer en un seul personnage : le roi de
France, auprès duquel, très certainement, Campobasso allait déverser ses
griefs. Et c’était bien à cela qu’elle avait souhaité l’amener. Ce qui lui
permit de se réjouir pleinement d’en avoir terminé avec une aventure qu’elle
jugeait peu glorieuse...
En
revanche, cette excellente nouvelle s’accompagnait d’une autre... qui l’était
moins. Peu de temps après l’entrée à Nancy, elle avait demandé au légat qu’on
lui retrouve Esteban afin qu’il puisse reprendre son service auprès d’elle. Or,
le jeune Colonna lui apprit que le Castillan était introuvable. Il semblait qu’au
lendemain du soir où il avait sauvé Fiora du poignard de Virginio, Esteban se
fût volatilisé. Ni le chef de la compagnie où il s’était engagé ni les autres
soldats ne savaient ce qu’il était devenu... Et Fiora, à l’inquiétude qu’elle
en éprouva, comprit qu’à son humble place, le Castillan avait gagné une petite
partie de son cœur, comme Démétrios et comme tous ceux qui s’étaient comportés
envers elle en amis véritables.
Cette
disparition faisait qu’elle se sentait plus déracinée que jamais et elle ne
comprenait pas pourquoi le duc tenait tant à la garder auprès de lui. Ne l’avait-il
dit que pour se débarrasser de Campobasso ou bien cette histoire d’otage
était-elle sérieuse ?
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