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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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obtenir
la main d’une malheureuse née dans la honte et que le plus misérable de mes
sujets eût été libre de refuser pour épouse. Tu mériterais que je t’oblige à
rendre ta Toison d’or. A présent, je t’interdis de chercher à la revoir et plus
encore à l’approcher. Contente-toi de savoir qu’elle t’a sauvé la vie et va-t’en !
Oublie-la !
    – Si
vous croyez que c’est facile ! s’exclama Selongey avec amertume. Voilà des
mois que j’essaie car je la croyais morte. Et puis je l’ai revue et j’ai
senti...
    – Vos
sentiments ne m’intéressent en rien. Moi, votre prince, je vous ordonne, sous
peine de déshonneur public, de vous détourner à jamais d’une femme adultère,
née de l’inceste et de surcroît espionne de notre beau cousin de France.
    – Qu’allez-vous
faire d’elle ? Vous n’allez pas au moins lui faire de mal ? Elle est
si jeune et elle a tant souffert !
    – Cela
dépendra de votre obéissance. Tout à l’heure, je verrai le légat mais vous,
préparez-vous à partir pour la Savoie où la duchesse Yolande, envahie par les
gens des Cantons, appelle au secours. Vous lui annoncerez notre venue prochaine
et resterez auprès d’elle jusqu’à ce que je vous rappelle. Il faut qu’avant
midi vous ayez quitté Nancy avec cinquante lances !
    – Monseigneur,
par grâce ! Elle est innocente et vous ne l’ignorez pas.
    – Beaucoup
moins que vous ne le croyez. De toute façon, ce mariage doit être dissous. Ne m’obligez
pas par votre obstination à la faire disparaître elle-même ! Sachez que je
la tiendrai dorénavant sous mon regard pour m’assurer de votre obéissance.
    – Vous
a-t-elle jamais fait défaut ? Laissez-moi au moins lui dire adieu ? Je
lui dois la vie !
    – Non...
vous ne pourriez plus partir et je vous ai donné un ordre.
    La
mort dans l’âme, Philippe salua et se retira avec un dernier regard sur ce
panneau de bois derrière lequel reposait la seule femme qu’il eût jamais aimée.
Il se dirigea vers l’escalier mais, sur le point de descendre, se ravisa :
    – Un
mot encore, monseigneur. Je désire que l’on vende tous mes biens. Fiora n’a
plus rien et je ne le supporte pas. Faites au moins cela pour moi !
    – Vraiment ?
Comment vivrez-vous puisque c’est vous alors qui n’aurez plus rien ?
    – Votre
victoire définitivement assise, mon prince, j’irais offrir mon épée au doge de
Venise. Une fortune, cela peut se reconstituer au hasard d’une guerre... à
moins que tout ne s’y achève.
    Saluant
derechef mais avec une raideur qui traduisait bien sa colère contenue, Selongey
disparut enfin dans les profondeurs de l’escalier, suivi des yeux par le
Téméraire qui se prit à sourire :
    – C’est
ce que nous verrons... fit-il.
     
    La
maison de l’échevin Georges Marqueiz, dans la rue Ville-Vieille et près de l’église
Saint-Epvre, était l’une des plus belles de Nancy et n’avait pas souffert des
bombardements. C’est là qu’au matin on transporta Fiora encore à demi inconsciente
afin qu’elle y reçût des soins féminins impossibles à assurer dans un palais
transformé en caserne. Dame Nicole, l’aimable épouse du magistrat, avait
accepté très volontiers de donner au nouveau maître ce gage de bonne volonté. C’était
une grande femme dont les cheveux blonds blanchissaient harmonieusement, sans
beauté réelle, mais elle avait des yeux bruns pleins de chaleur et un charmant
sourire. La blessée n’eut aucune peine à gagner son cœur et fut elle-même
conquise sur-le-champ.
    Cependant,
le nouveau duc déployait toutes ses grâces – et quand il le voulait, il en
avait beaucoup – pour séduire ses nouveaux sujets. On ne vit que fêtes et
réjouissances. Charles se répandait en libéralités, en magnificences et en
caresses. Il convoqua, dans son nouveau palais, les états de Lorraine où il
prononça un discours mémorable :
    – ...
On s’apercevra bientôt que je cherchais par mes armes bien plus votre félicité
que la mienne, dit-il à ces gens qu’il avait affamés et dont il avait réduit
quelques-uns à coucher dans des décombres, la Providence qui vous a soumis à
mes lois vous réservait sans doute le bonheur de vivre sous mon gouvernement ;
vous allez en effet désormais retrouver votre nation opulente, heureuse,
tranquille et cette ville, maintenant le centre de mes états, sera le lieu de
ma résidence. Je vais l’embellir d’un superbe palais,

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