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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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d’en tirer vengeance ?
    – Je
ne l’ai pas oublié mais... comment vous dire ? Il me semble qu’il est en
train de se détruire lui-même et j’éprouve la même impression que lorsque j’ai
vu Pierre de Brévailles cloué à sa chaise, devenu un mort vivant. Il ne
demandait qu’à mourir. Lui laisser la vie était une punition plus cruelle.
Démétrios qui peut voir l’avenir penserait peut-être la même chose que moi...
    – C’est
possible mais ce n’est pas certain. Démétrios est plus dur que vous ne le
croyez. Cela dit, n’allez pas croire que je cherche à vous lancer de nouveau à
la poursuite d’une vengeance que j’ai toujours redoutée. Si vous avez compris
qu’il vaut mieux laisser faire Dieu...
    – Dieu ?
Il vient de me prendre l’homme que j’aime à l’instant même où nous nous
retrouvions enfin. Je crois, décidément, qu’il n’a pas beaucoup d’amitié pour
moi. Non, ne dites rien et surtout laissez-moi faire ce que j’ai décidé ! Et
pour commencer, voulez-vous couper mes cheveux ou préférez-vous que je le fasse
moi-même ?
    – Sûrement
pas ! Au moins ils ne seront pas massacrés. Avec décision, Léonarde s’empara
des ciseaux et d’un peigne puis, la mine farouche, commença à tailler dans l’épaisse
chevelure en pensant, pour empêcher sa main de trembler, que des cheveux, après
tout, cela repousse...
    Quand
Fiora rejoignit le duc le lendemain, vêtue de la tunique de velours noir qu’il
lui avait envoyée, il la regarda mettre genou à terre devant lui comme l’eût
fait un garçon et lui sourit :
    – Quel
dommage de ne pouvoir vous armer chevalier ! Mais je peux au moins faire
ceci...
    Il
alla prendre dans un coffre ouvert une dague richement damasquinée dont la
poignée était ornée d’améthyste et, faisant se relever Fiora, accrocha lui-même
l’arme à sa ceinture :
    – Deux
de mes serviteurs, voyant le désastre, ont réussi à sauver un chariot dans
lequel ils ont entassé tout ce qui leur tombait sous la main. Ceci en faisait
partie. Quand nous irons au combat, je vous donnerai d’autres armes...
    – Je
ne veux pas d’autres armes, monseigneur. Je n’en saurais que faire. Je veux
seulement vous suivre comme fait l’ambassadeur de Milan qui est toujours auprès
de vous.
    – Il
estime que c’est encore la meilleure place pour pouvoir décrire les événements
à son maître [xxv] .
En outre j’aime causer avec lui. Mais, ajouta-t-il d’une voix où perçait une
émotion, votre présence me sera douce, je l’avoue. Même si en cela je fais
preuve d’un insupportable égoïsme... Je crois que je vais avoir bien besoin d’amitié...
     
    Les
jours qui suivirent furent en effet des jours sombres. Les conséquences de la
défaite commençaient à se manifester par une sorte de refroidissement dans les
relations diplomatiques. En dépit des lettres de Panigarola, le duc de Milan
auquel on demandait de nouveaux mercenaires répondit par de vagues excuses et n’envoya
rien. Le vieux René, qui devait léguer au Téméraire son comté de Provence et sa
couronne de roi de Sicile et de Jérusalem, fit volte-face et, poussé par les
agents de Louis XI, commença à s’intéresser à son petit-fils, ce jeune duc René
à qui l’on avait pris la Lorraine.
    Cependant
le duc Charles subissait le contrecoup moral de ce qu’il appelait sa honte, et
après une courte période d’agitation fébrile, il tomba dans une crise de noire
mélancolie. Il s’enferma chez lui, ne tolérant personne à ses côtés. Il restait
étendu, refusant la nourriture mais buvant beaucoup de vin, lui qui n’en buvait
que très peu. Il ne se lavait plus et, dans son visage creusé où la barbe
naissante mettait son ombre noire, les yeux sombres brûlaient d’un feu
désespéré...
    – Il
est assez sujet à ces crises de dépression, confia le Milanais à la jeune
femme. C’est son sang portugais qui les lui apporte. Là-bas on appelle cela la « saudade »
mais j’avoue que celle-ci est plus grave que les autres. Il faudrait faire
quelque chose mais quoi ?
    – Il
aime tant la musique ! Pourquoi ne pas lui amener les chanteurs de sa
chapelle ?
    – Pardonnez-moi
cette image hardie, ma chère Fiora, mais le diable seul sait où ils sont,
ceux-là !
    – Croyez-vous
qu’il soit possible de trouver un luth ou une guitare dans cette cité des vents ?
    Le
château du défunt Hughes de Chalon était mieux pourvu que Fiora ne le pensait
et

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