Fiora et le Téméraire
résidait dans son âme qui ne parvenait plus à croire en son
étoile...
Au
sortir de la cathédrale, Fiora, suivie de Léonarde aussi raide et hautaine qu’une
duègne espagnole, regagnait l’auberge du Lion d’or où Panigarola lui avait
trouvé une chambre. Le duc ne voulait pas qu’elle séjournât alors au camp où
régnait trop souvent l’indiscipline et où les rixes étaient nombreuses. Soudain
elle eut l’impression que quelqu’un s’était attaché à ses pas. Elle pressa l’allure
et entendit que l’on courait derrière elle. Alors, s’arrêtant brusquement, elle
se retourna. Un homme d’armes était en face d’elle en qui, avec stupeur, elle
reconnut Christophe de Brévailles. Il avait les yeux pleins de larmes.
– Pourquoi,
fit-il avec un mélange de colère et de douleur, pourquoi m’avez-vous caché
votre mariage ? Quand nous nous sommes rencontrés, vous m’avez menti !
Dans quel but ?
– Cela
avait-il de l’importance ? Souvenez-vous : vous veniez de fuir votre
monastère et vous vouliez être soldat. Qu’aviez-vous à faire de ma vie passée ?
– Rien,
bien sûr... mais c’est en vous voyant, je crois, que j’ai tant désiré une autre
vie. Acquérir la gloire, la fortune et ensuite vous rechercher afin de...
– N’en
dites pas plus ! Vous saviez très bien que rien ne serait jamais possible
entre nous. Vous êtes mon oncle, que cela vous plaise ou non, et moi, à présent
que tout est accompli, je ne veux plus même me souvenir qu’il existe encore au
monde des Brévailles.
– Tout
est accompli ? Que voulez-vous dire ?
– Que
Regnault du Hamel est mort, mort de peur en me voyant une nuit paraître à son
chevet. Quant à votre père...
En
quelques mots, Fiora raconta le retour de Marguerite au château de ses ancêtres
et ce que toutes deux y avaient trouvé :
– Votre
mère est en paix, ajouta-t-elle et même je crois qu’elle a retrouvé quelque
chose qui ressemble au bonheur...
– Mais
vous, coupa Léonarde qui observait le jeune homme avec attention, vous qui
espériez tant de la vie militaire, êtes-vous plus heureux que dans votre
couvent ?
– Oui,
parce que j’ai trop souffert à Cîteaux mais j’avoue volontiers que je n’aime
pas beaucoup plus ce que je fais. Quand je vous ai quittés, je me suis enrôlé,
en me donnant pour fils d’un artisan de Dôle, dans les troupes du comte de
Chimay. Et j’ai assez vite compris mon erreur : j’enviais la vie brillante
des chevaliers mais moi, n’ayant plus droit à mon propre nom, je n’avais rien à
espérer que vieillir sous le harnois, au milieu des soldats avec le droit d’appeler
une ribaude pour apaiser mes besoins d’amour. Et puis la guerre me fait
horreur... J’ai vu trop d’atrocités...
– Alors,
allez-vous-en ! fit Fiora d’une voix pressante. Rentrez chez vous ! Votre
mère sera heureuse de vous revoir et vous n’avez plus rien à redouter de votre
père...
Christophe
secoua ses épaules comme pour en chasser la lourde tristesse qui l’accablait :
– Vous
oubliez mes vœux rompus ! Je suis un moine en rupture de monastère. Que je
reparaisse en Bourgogne et l’on me ramènera au couvent où je serai condamné à l’ in
pace jusqu’à ce que la mort me prenne. Je préfère encore qu’elle me trouve
sur le champ de bataille, à la face du ciel plutôt qu’au fond d’une
oubliette...
– Je
peux peut-être vous aider encore. Le légat du pape est ici et je le connais. Si
j’obtiens que vous soyez délié de vos vœux, rentrerez-vous à Brévailles ?
Christophe
détourna la tête pour que son interlocutrice ne puisse lire dans son regard :
– Peut-être...
mais pas maintenant ! Le duc va attaquer les Suisses et l’on dit que vous
serez auprès de lui. Je veux y être aussi.
– Christophe !
soupira Fiora, il faut que vous cessiez à tout jamais de penser à moi. Cela ne
me cause aucune joie et me gêne. Puisque vous avez appris mon mariage, vous
savez aussi que je suis veuve...
– Vous
pourrez dire ce que vous voulez. On ne commande pas à son cœur...
– Je
le sais mieux que vous car j’aime d’un amour unique celui que la mort m’a
enlevé et tant que j’aurai la vie, je ne cesserai pas de l’aimer. La seule
chose que je souhaite, c’est le rejoindre... A présent disons-nous adieu...
– Un
moment, fit Léonarde. N’oubliez pas votre promesse de parler au légat !
– C’est
vrai. Sous quel nom êtes-vous
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