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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Charles ?
    – Je
n’ai reçu aucune commission officielle. En outre, s’il était question de prendre
la Savoie, je serais fort étonné que le roi nous la laisse. Il n’empêche et je
le répète que je trouve la belle duchesse bien peu sage...
    Néanmoins,
elle apportait avec elle le printemps qui éclata soudain avec l’irrésistible
ardeur de la nature, le long des chemins défoncés par les charrois de guerre,
sur ces terres où plus d’un village avait été rasé. L’herbe repoussait, verte
et tendre sur les blessures de la terre et au milieu des ruines. Le lac,
gigantesque miroir du ciel d’un bleu léger, avait des moirures d’argent et sur
ses bords les amandiers et les pommiers refleurissaient. L’air était léger
avec, au plein du jour, les douceurs caressantes d’un soleil peut-être décidé à
faire oublier le désastreux automne et le rude hiver. A Lausanne que les malheurs
avaient épargnée, la vie bouillonnait dans les rues aussi bien que dans les
jardins où tout s’épanouissait. Les ambassadeurs étrangers s’y pressaient avec
leur suite car il était impossible de les héberger au camp. Panigarola et ses
confrères vénitiens, napolitains, gênois et autres gens d’Italie avaient élu
domicile à l’auberge du Lion d’or, la plus belle de la ville. Les autres
hôtelleries et les couvents étaient pleins et les marchands affluaient attirés
par tant de nobles personnages.
    Le
point culminant fut l’arrivée commune du légat Alessandro Nanni et du
protonotaire apostolique Hessler, envoyés tous deux par l’empereur pour
conclure le mariage du prince Maximilien avec la jeune Marie de Bourgogne,
héritière des Grands Ducs d’Occident. La messe de Pâques, célébrée dans la
cathédrale de Lausanne le 14 avril, en revêtit un éclat exceptionnel.
    Fiora
y assista, en vêtements féminins cette fois, ses cheveux coupés cachés par un
hennin de toile d’argent voilé de noir comme il convenait à son grand deuil. La
veille et en présence du légat, le duc Charles l’avait, pour faire taire
peut-être les inévitables bruits que sa présence auprès de lui faisait courir,
reconnue solennellement pour « très noble et très haute dame comtesse de
Selongey, veuve de messire Philippe de Selongey, chevalier de la Toison d’or,
mort vaillamment, accablé sous le nombre sur le champ désastreux de Grandson
pour l’honneur de nos armes. Puis il avait ajouté : « Désormais seule
au monde, Mme de Selongey a fait vœu de nous suivre au combat afin d’y prendre
part, au nom de son défunt époux, à l’éclatante vengeance qu’avec l’aide de
Dieu nous allons tirer d’un ennemi indigne du sang qu’il a versé. »
    Durant
tout l’office pascal, Fiora eut conscience, comme elle l’avait eue la veille,
de nombreux regards fixés sur elle avec plus de curiosité sans doute que de
sympathie mais elle s’en souciait peu. Qu’est-ce qui pouvait avoir la moindre
importance à présent que Philippe avait quitté ce monde, que ses yeux à lui ne
la regarderaient plus, que ses mains ne la toucheraient plus ? Qu’on la
jugeât bien ou mal ne signifiait rien. Hormis le jeune Battista et Panigarola,
il n’y avait aucun de ces gens qui lui tînt par quelque lien que ce soit.
Hormis le duc aussi bien sûr, mais elle n’arrivait pas à analyser le sentiment
qui l’attachait à lui. C’était une sorte de fascination où entrait de la pitié
et cette attirance qu’exercent ceux, très rares, dont le destin exceptionnel
semble prometteur de grandes catastrophes. Il était seul à poursuivre un rêve
chimérique et démesuré au milieu d’une Europe positive où la plus grande
puissance, désertant les vieilles lois chevaleresques, appartenait aux plus
habiles et aux plus riches... Une voix secrète soufflait à la jeune femme que l’ange
de la mort suivait les pas du Téméraire et que, sans en avoir conscience, c’était
l’ombre de ses ailes noires qu’il essayait de fuir, que c’était contre elle qu’il
se débattait.
    Depuis
Nozeroy, sa santé demeurait chancelante. Il souffrait d’une fièvre constante et
de maux d’estomac, passait des nuits au milieu de ses hommes sans quitter l’armure
et avalait au matin les tisanes que lui préparaient Matteo de Clerici et un
autre médecin envoyé par la duchesse de Savoie, inquiète de cet état, mais ce n’étaient
pas ces maux, nés surtout d’un système nerveux détraqué qui menaçaient la vie
du prince. Le mal

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