Fiora et le Téméraire
une bête assoiffée
sur un ruisseau frais.
Emportée
dans un ouragan de caresses et de baisers, Fiora, la première explosion de
brutalité passée, découvrit que ce fauve pouvait être un amant passionné, et
sachant jouer d’un corps féminin avec brio. Elle attendait un soudard, elle eut
un amoureux. Elle avait cru pouvoir garder la tête froide mais, trahie par ses
sens, elle dut laisser à plusieurs reprises le plaisir la rouler dans sa vague
brûlante. Et la nuit allait vers sa fin quand le sommeil, à son tour, la
vainquit et lui fit oublier que si elle avait, elle aussi, remporté une
victoire, celle-ci ressemblait beaucoup à une victoire à la Pyrrhus.
L’oreille
collée derrière la porte de la chambre, le page Virginio, ses dents plantées
dans son poing et défaillant presque de rage impuissante, avait compté toutes
les plaintes, tous les soupirs, tous les râles que le jeu ardent de l’amour
avait arrachés à ce couple invisible...
Quand
les tambours de la diane sonnèrent le réveil des soldats, Campobasso, trop
entraîné aux combats de Vénus pour qu’une nuit d’amour l’ensevelît dans le
sommeil au point de l’empêcher d’entendre, glissa du lit en prenant soin de ne
pas éveiller Fiora, passa sa chemise et ses chausses puis gagna la grande salle
où l’attendait déjà Salvestro, son écuyer.
-Va me
chercher les deux hommes qui accompagnaient hier donna Fiora ! ordonna-t-il
tout en dévorant un quignon de pain resté sur la table. Puis tu amèneras une
vingtaine de soldats dans l’escalier.
Esteban
et Mortimer furent là presque aussitôt. L’inquiétude avait tenu le Castillan
éveillé toute la nuit ; quant à l’Écossais, il était habitué lui aussi à s’éveiller
avec le jour.
– Vous
allez pouvoir rentrer chez vous, leur dit Campobasso. Donna Fiora n’a plus
besoin de vos services.
– Pardonnez-moi,
monseigneur, fit Esteban dont le visage venait de se fermer, mais je suis à son
service depuis longtemps et, si elle n’a plus besoin de moi, c’est à elle de me
le signifier ! Jamais je ne la quitterai de mon plein gré... ou sur un
ordre étranger !
– J’ai
reçu, moi aussi, l’ordre de veiller sur elle, dit tranquillement Mortimer, et j’ai
pour habitude d’aller toujours jusqu’au bout de mon devoir.
– Un
grand mot pour un guide. Tu étais chargé de la conduire jusqu’à moi ? Eh
bien voilà qui est fait ! Tu peux partir.
– Vous
m’avez mal compris : je dois la conduire partout où elle souhaitera se
rendre. Elle aura encore besoin de moi.
– Inutile
de jouer au plus fin avec moi, je sais qui tu es : l’un des gardes
écossais du roi de France. Alors écoute ceci : tu vas retourner vers ton
maître et tu le remercieras grandement pour le beau cadeau qu’il m’a envoyé. Tu
ajouteras que j’espère, un jour, pouvoir lui en marquer ma gratitude... lorsque
donna Fiora sera devenue la comtesse de Campobasso. Va à présent ! Quant à
toi, ajouta-t-il à l’adresse d’Esteban, tu as entendu : je vais épouser ta
maîtresse et je peux t’assurer que je saurai la défendre de tous périls. Je te
conseille de suivre ton compagnon.
– Et
si je refuse ? grogna le Castillan qui sentait monter sa colère.
– C’est
tout simple : avant une heure tu seras pendu.
– Je
n’ai pas envie, moi non plus de repartir, articula Mortimer. Où alors, allez
chercher donna Fiora. D’elle j’accepterai un ordre...
Il
avait tourné les yeux vers Esteban et celui-ci lut sans peine que la Bourrasque
était sur le point de se déchaîner. Entre eux deux, le condottiere désarmé ne
pèserait pas lourd... Mais Campobasso soupirait d’un air excédé :
– Dieu
que vous êtes fatigants !
Il
frappa dans ses mains et, aussitôt, une vingtaine d’hommes armés pénétrèrent
dans la salle :
– Vous
n’aurez pas le dernier mot avec moi. Partez tranquillement et séparons-nous
bons amis. Mes hommes vous donneront quelques vivres pour la route... et vous
pourrez vous partager ceci.
Il
détacha la bourse attachée à sa ceinture et la lança vers les deux hommes mais
aucune main ne se tendit pour la saisir et son contenu se déversa sur les
dalles. A nouveau l’Ecossais consulta son compagnon du regard puis, haussant
les épaules, déclara :
– Partons !
Je ferai vos commissions à mon supérieur... toutes vos commissions !
– Parfait !
On va donc vous accompagner hors des portes de la ville.
Mortimer
et Esteban
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