Fiorinda la belle
sourcilla pas, ne parut pas avoir remarqué ce changement et reprit :
« Votre Majesté veut-elle autoriser un entretien particulier entre MM. de Guise et moi-même ? Ici même, nous trouverons bien un coin où nous isoler… l ’ embrasure de cette fenêtre, par exemple. Je réponds qu’après cet entretien, qui sera très bref, MM. de Guise, convaincus par les arguments que je leur ferai valoir, seront complètement d’accord avec Votre Majesté. J’en réponds sur ma tête. »
Sans hésiter, le roi autorisa séance tenante :
« Allez, chevalier. Je m’en rapporte à vous. »
Beaurevers se tourna alors vers le duc, attendant sa décision. Il vit qu’il allait refuser. Il fit deux pas en avant qui l’amenèrent presque poitrine contre poitrine avec le duc et, dans un souffle à peine perceptible, il lui jeta dans la figure :
« Si vous préférez que je parle tout haut, devant tout le monde, dites-le. Mais, croyez-moi, duc, pour vous, il vaut mieux que ce que j’ai à vous dire reste entre nous. »
Il souriait en disant cela. On pouvait croire, en le voyant, qu’il venait de dire une banalité. Mais le regard qu’il fixait sur le duc était tel que celui-ci comprit aussitôt qu’une menace effroyable était suspendue sur lui.
Son frère ne lui laissa pas le temps de faire un coup de sa tête. Il avait deviné ce que Beaurevers avait dit, plus qu ’ il ne l’avait entendu. Lui aussi, il comprit. L’imminence du péril lui dicta les paroles propres à sauvegarder l’amour-propre de son frère :
« Allons, mon frère, dit-il, puisque c’est l’ordre du roi . »
En même temps, il lui saisissait le bras comme pour s’appuyer dessus et, d’une pression impérieuse de la main, lui recommandait la prudence.
Heureux d’avoir une raison de céder sans paraître se courber devant la menace, le duc accéda.
« C’est juste. On ne résiste pas à un ordre du roi… Allons. »
Les trois hommes se trouvèrent en présence derrière le rideau.
Ils s’observèrent une seconde en silence.
Et ce fut le duc qui attaqua sur un ton railleur :
« Vous prétendez avoir des choses à dire qui doivent nous mettre pleinement d’accord avec Sa Majesté. Voyons ces choses. Je vous écoute.
– Je dois vous dire que c’est moi qui ai suscité le conflit qui vient d’éclater entre le roi et vous. C’est moi qui ai ébranlé fortement votre crédit, rendu votre disgrâce imminente. »
Hors de lui, le duc gronda furieusement :
« Ah ! c’est vous qui nous avez desservis ! Et vous le dites en face !… Par le Dieu crucifié, j’admire votre impudence, mon maître !
– Impudence, non. Loyauté, oui. Il n’est pas dans mes habitudes de prendre les gens en traître… je ne suis pas assez grand seigneur pour me permettre de tels procédés. C’est ici, entre nous, une manière de duel d’où je suis sûr de sortir vainqueur. Il me répugnait d’user contre vous d’avantages que vous ignoriez. C’est pourquoi je vous ai avertis. Il me reste de vous faire connaître ce que je puis faire de plus.
– Quoi ! railla le duc, vous pouvez faire plus encore ! Et quoi donc, bon Dieu ?
– Je puis achever de consommer votre ruine. Je puis faire tomber vos têtes… »
Le duc se redressa de toute sa hauteur et, sur un ton de dédain écrasant :
« Monsieur, dit-il, par l’intrigue, par de tortueuses manœuvres, on peut faire disgracier, ruiner, empoisonner un prince de sang royal… On peut à la rigueur se défaire de lui par le poison ou le poignard d’un assassin… Mais, en aucun cas, on ne le frappe à la tête. »
Le cardinal avait observé Beaurevers et il avait abouti à une erreur. Celle-ci : Beaurevers après leur avoir nettement prouvé qu’il jouissait d’une influence réelle – et ceci lui paraissait évident – voulait tout simplement se faire acheter le plus cher possible l’influence dont il disposait.
Ayant cette idée en tête, le cardinal se jetait dans la discussion.
« Ne prononçons pas d’inutiles et surtout d’irréparables paroles, fit-il d’un air conciliant. Monsieur de Beaurevers, vous avez voulu nous montrer que votre crédit est assez considérable pour faire échec au nôtre. J’aurais mauvaise grâce à ne pas le reconnaître, puisque, grâce à vous, nous sommes sur le chemin de la disgrâce. Ensuite, vous nous avez assuré que vous étiez assez fort pour achever de nous perdre dans l’esprit du roi. Ceci me paraît
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