Fiorinda la belle
laissa retomber le rideau.
« Qu’est-ce que cela signifie ? murmura machinalement le duc.
– Cela signifie que vous êtes mes prisonniers, révéla Beaurevers. Vous l’êtes depuis l’instant où vous êtes venus vous mettre dans cette embrasure.
– Soit, dit le duc qui, à force de volonté, parvenait à conserver un calme apparent, nous avons été attirés dans un traquenard, nous sommes pris, c’est fort bien… Le roi nous doit une explication, et je jure Dieu donnera satisfaisante. Venez, cardinal.
– Un instant encore, répliqua Beaurevers sans bouger d’une semelle ; croyez-moi Duc, vous avez un intérêt capital à connaître mes explications avant que je ne les fournisse au roi, devant la cour assemblée. Ces explications sont très simples, elles sont terribles pour vous. Voici ce que je dirai au roi : « Sire, vous avez été, hier, pourchassé, traqué, assailli, malmené par une meute d’assassins, parmi lesquels se trouvaient des archers conduits par le lieutenant criminel et le chevalier du guet et aussi des gardes de M. de la Roche-sur-Yon ? C’est miracle vraiment que vous ayez pu vous tirer sain et sauf de cette formidable aventure. Vous avez voulu savoir, Sire, quels étaient les instigateurs de ce lâche attentat. Je les ai cherchés… Je les ai trouvés… Et connaissant leur puissance et leur astuce, pour qu’ils ne puissent échapper au supplice des régicides qui les attend, j’ai pris sur moi de faire garder les portes. Sire, ces assassins en chef, les voici, je les livre à votre justice. »
Beaurevers, implacable, continua sans leur laisser le temps de protester :
« Vous me direz, monsieur, qu’il ne suffit pas de porter une accusation, il faut l’appuyer par des preuves. C’est très juste. Ces preuves, je les ai là, dans mon pourpoint, et je les remettrai au roi. Cela va sans dire. Vous me direz encore qu’on peut discuter sur des preuves. Soit. À l’appui des miennes, viendront s’ajouter le propre témoignage du roi, le mien et celui de quelques autres personnes… parmi lesquelles le baron de Rospignac… le baron de Rospignac que j’ai aperçu dans cette salle, qui se trouve pris comme vous, par conséquent. Et soyez tranquille, Rospignac parlera. Il faudra qu’il parle et qu’il dise : premièrement, ce qu’il est allé faire mardi dernier à l’hôtel de Cluny. Secondement, comment et pourquoi, à la suite d’un long entretien avec M. le cardinal, il s’est trouvé muni de certains ordres plaçant sous son obéissance directe M. le grand prévôt et M. le gouverneur de la ville. Troisièmement, à quel titre il a touché une somme importante chez votre trésorier. Quatrièmement, enfin, ce qu’il faisait au moment de l’attentat dans certaine maison de la rue de Buci, dans le grenier de laquelle il se dissimulait et d’où, tel un commandant d’armée, il envoyait ses ordres aux deux archers, aux gardes et surtout à certains hommes de sac et de corde déguisés en écoliers et en truands, ce qui ne les changeait guère. »
Ayant achevé cette manière de réquisitoire, Beaurevers n’ajouta pas un mot de plus. Simplement, il s’écarta, s’effaça, livra passage aux Guises, signifiant ainsi tacitement que, s’ils voulaient rendre le débat public, ils étaient libres de le faire.
Et il eut l’immense satisfaction de voir que les Guises ne bougeaient pas.
Son audacieuse manœuvre avait pleinement réussi. Et ce fut le cardinal qui parla :
« Monsieur, dit-il de sa voix la plus insinuante, ce n’est pas le lieu de discuter avec vous les formidables accusations que vous ne craignez pas de lancer contre la maison de Guise. Quoique, à bien considérer les choses, il me paraît que vous n’êtes pas bien convaincu vous-même de la valeur de ces accusations. Sans quoi vous n’eussiez pas hésité, je crois, à les produire en plein public.
– Oui, répliqua sèchement Beaurevers, mais en agissant ainsi je vous envoyais à l’échafaud… Et je ne suis pas un pourvoyeur de bourreau, moi, monsieur !… Je m’étonne que vous ne l’ayez pas compris…
– Soit, grinça le cardinal, vaincu, faites vos conditions. »
Beaurevers ne triompha pas. Froidement, mais très simplement, il répondit :
« Je vous ai fait connaître ces conditions. Je n’ai rien à ajouter.
– Vous voulez que nous fassions la paix avec les réformés ? insista le cardinal.
– J’y tiens absolument… Écoutez donc : en vous
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