Fiorinda la belle
remit le froc en place, fit disparaître toute trace des fouilles qu’il venait d’effectuer.
Après quoi, il s’étendit par terre à quelques pas du moine toujours endormi et ne tarda pas à faire comme lui.
Le lendemain matin, Beaurevers déclara qu’il était brisé, moulu, rompu. Sa soi-disant blessure était sûrement rouverte. Il était malade, incapable de fournir le moindre effort. Et pour mieux marquer son immuable décision, il se déshabilla et se glissa entre les draps de son lit.
Le moine dut se résigner à partir seul et, en poussant d’énormes soupirs, il prit congé de Beaurevers qui riait sous cape de sa mine désolée.
XIII – ABOUTISSEMENT DE LA MANŒUVRE DE CATHERINE
Maintenant Ferrière, esclave de la parole jurée, s’acheminait lentement et tristement vers la Bastille où il allait s’enterrer vivant.
Comme il remontait la rue Saint-Honoré qui, à cette époque, commençait à la rue des Déchargeurs, alors qu’elle ne commence plus maintenant qu’à la rue des Bourdonnais, il reconnut au loin la haute taille de Beaurevers qui, de ce pas accéléré qui lui était habituel, venait vers lui et bientôt le rejoignit.
Ferrière aborda avec une hâte fiévreuse le sujet qui lui tenant le plus à cœur.
« Chevalier, dit-il, je suis heureux de vous rencontrer… J’ai retrouvé Fiorinda.
– Ah ! fit vivement Beaurevers, et où est-elle ?
– Au Louvre. Elle y est encore.
– Au Louvre ! s’ébahit Beaurevers, que diable fait-elle là ?… Et qui l’y a conduite ?
– Rospignac, sur l’ordre de M me Catherine qui veut recourir à sa science de diseuse de bonne aventure.
– Voilà qui est bizarre, murmura Beaurevers qui réfléchissait. Mais, qu’avez-vous donc, vicomte ? s’étonna Beaurevers. Vous avez retrouvé votre fiancée. Vous devriez être aux anges… Et vous m’annoncez cela d’un air lugubre, avec une mine longue d’une aune. Mortdiable, ce n’est pas naturel. Il vous est arrivé quelque chose ?
– Je voudrais vous voir à ma place. J’ai retrouvé ma fiancée, c’est vrai. Mais je suis obligée de la quitter aussitôt, pour je ne sais combien de temps… Si vous croyez que c’est drôle !
– Bon, sourit Beaurevers, je vois ce que c’est et je comprends votre humeur : vous êtes obligé de vous absenter… Quelque voyage assez long, peut-être… Et vous enragez.
– Un voyage, oui, fit vivement Ferrière qui saisit la balle au bond. Et le pis est que je ne saurais dire quand je serai de retour de ce maudit voyage… Si tant est que j’en revienne jamais !
– Bah ! on revient toujours d’un voyage, quand on est bâti comme vous l’êtes et qu’on manie l’épée comme vous savez la manier.
– Qui sait ? » murmura Ferrière, qui paraissait de plus en plus sombre et déprimé.
Il lui prit la main, et la lui serrant d’une manière expressive :
« Chevalier, dit-il d’une voix émue, je pars la mort dans l’âme… à cause de Fiorinda, vous comprenez ?… Mais il le faut, n’en parlons plus… Je m’en irai moins malheureux parce que je vous ai rencontré et que je peux vous dire : Beaurevers, je compte sur vous pour veiller sur elle.
– Et vous avez raison, mortdiable, tudiable, ventrediable ! s’écria Beaurevers, qui sentait l’attendrissement le gagner. Ne savez-vous pas que j’aime Fiorinda comme si elle était ma propre sœur ? Mais je vois où le bât vous blesse, mon ami. Et je vous dis : Partez sans appréhension et sans regret, Ferrière. Foi de Beaurevers, je jure que vous retrouverez à votre retour votre fiancée vivante et pure, comme vous la laissez. Êtes-vous plus tranquille ?
– Oui. Je sais que vous tenez toujours ce que vous promettez. Je pars moins inquiet. Merci, Beaurevers.
– Allons donc, vous voulez rire !… Mais un instant que diable ! Vous n’êtes pas si pressé. Il y a des choses que j’ai besoin de savoir. Voyons, vous dites que Fiorinda est au Louvre. Parfait. »
Alors, Ferrière lui narra ce qui s’était passé, taisant toutefois le passage de sa conversation relatif à la Bastille.
Ferrière, redevenu plus sombre que jamais, donna l’accolade à son ami.
« Je compte sur vous, Adieu.
– Comment adieu ! C’est au revoir que vous voulez dire.
– Oui, au revoir », rectifia Ferrière d’un air peu convaincu.
Et il s’éloigna en courbant le dos.
Moins de dix minutes après son entrée, il était enfermé dans un cachot de la
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