Fiorinda la belle
de venir à votre guise.
– Même de sortir du Louvre ? s’écria Fiorinda dont l’œil brilla de joie.
– Sans doute. Quand je dis libre, je l’entends sans restriction. »
Catherine eut un de ces sourires énigmatiques qui inquiétaient terriblement ceux qui la connaissaient bien. Elle feignit de réfléchir.
« Cependant, dit-elle au bout d’un instant, je pense que je puis avoir besoin de vous à l’improviste. Il s’agit d’intérêts très graves. Il serait fâcheux… très fâcheux que vous fussiez absente au moment précis où j’aurais besoin de vous. »
Fiorinda continua de montrer un visage souriant. Mais sa joie tomba d’un coup. Catherine ne voulait pas lui rendre sa liberté, pensa-t-elle. Elle voulut en avoir le cœur net. Elle insinua :
« Je pourrais, avant de sortir, aviser la reine… lui faire connaître le lieu où elle pourrait me trouver en cas de besoin… »
Et le refus qu’elle attendait arriva enveloppé comme Catherine savait le faire :
« Oui… en effet… Mais non… Le hasard nous joue parfois de ces tours abominables… Il se pourrait que j’eusse besoin de vous juste après votre sortie… Il faudrait courir après vous, perdre un temps précieux… Non, décidément, il vaut mieux que vous ne sortiez pas… Et même, en y réfléchissant bien, il me paraît essentiel de vous avoir sous la main à toute heure de la nuit et du jour. Vous êtes libre, je ne m’en dédis pas… Mais je serai plus tranquille si vous me promettez de ne pas bouger de cette chambre. »
Fiorinda comprit la ruse. Elle comprit ainsi qu’elle ne pouvait pas se dérober devant cette demande qui, au fond, était un ordre déguisé. Elle se garda bien de résister, de montrer son mécontentement.
« C’est bien, dit-elle simplement, je vous promets, madame, de ne quitter cette chambre sous aucun prétexte et ne fût-ce qu’une minute. Est-ce tout ? »
Catherine aurait pu lui faire observer qu’elle continuait à se permettre d’interroger la reine. Elle avait mieux à faire pour l’instant. Et répondant à sa question :
« Oui, je crois… » dit-elle.
Et se reprenant :
« Il faut tout prévoir. Le hasard pourrait vous mettre en présence de quelqu’un qui n’est pas de la maison. Si l’on vous interroge… il est bien entendu, n’est-ce pas, que vous êtes ici de votre plein gré, libre d’aller et venir, à telles enseignes que la porte n’est pas fermée à clef ? »
Fiorinda sentit percer la menace. Elle s’inclina encore une fois de bonne grâce :
« Je répéterai ce que Votre Majesté vient de me dire », fit-elle.
Et après une courte hésitation :
« Si l’on s’étonne de me voir cloîtrée ici, que répondrai-je ? »
Catherine réfléchit une seconde et répondit :
« Vous direz que, ne vous sentant pas à votre place à la cour, vous préférez vous tenir volontairement à l’écart, de crainte de commettre quelque manquement à l’étiquette que tout le monde n’aurait peut-être pas l’indulgence d’excuser.
– Comme le fait Votre Majesté », répliqua Fiorinda, sans qu’il fût possible de percevoir qu’elle raillait. Et elle ajouta aussitôt :
« C’est bien, madame, j’obéirai. »
Catherine la regardait d’un œil soupçonneux, s’efforçant de lire sa pensée dans ses yeux.
Mais Fiorinda soutint ce regard de feu avec l’assurance de l’innocence.
Catherine dut reconnaître que ce visage souriant demeurait hermétiquement fermé pour elle. Elle eut un geste de dépit, pivota sur les talons et se dirigea vers la petite porte qu’elle ouvrit.
XV – OÙ BEAUREVERS FAIT AUSSI SA PETITE MANŒUVRE
Revenons à Beaurevers, maintenant.
Ferrière l’avait quitté d’une manière qui lui parut si étrange qu’il en demeura un instant tout saisi. Il eut un mouvement pour s’élancer, le rattraper, lui dire : « Je vous accompagne. » Mais il se dit :
« À quoi bon ?… Je le gênerais, c’est clair… S’il ne dit rien, c’est qu’il ne peut ou ne veut rien dire.
Il le regarda s’éloigner d’un œil rêveur. Et il partit d’un air résolu dans la direction du Louvre, où il ne tarda pas à arriver. Il se dirigea vers l’appartement particulier du roi, auprès duquel il fut admis séance tenante, sans avoir été annoncé. Faveur toute spéciale dont il était peut-être le seul à bénéficier au Louvre.
Il était environ cinq heures du soir lorsque Beaurevers quitta le roi,
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