Fiorinda la belle
tour de la Liberté.
XIV – DEUXIÈME MANŒUVRE DE CATHERINE
Après avoir lancé un bravo sur la piste de Ferrière, Catherine était revenue dans sa chambre. Elle alla jeter un coup d’œil à travers le petit vasistas.
Fiorinda était prostrée dans son fauteuil. Elle pleurait.
Catherine sourit.
Elle revint dans sa chambre et ouvrit une porte qui donnait sur son cabinet de toilette. Au fond de ce cabinet de toilette, il y avait une autre petite porte. Elle l’ouvrit sans bruit et se trouva dans la chambre de Fiorinda.
« Vous pleurez ? dit Catherine avec sollicitude. Pourquoi ? »
Et se reprenant :
« C’est vrai, j’oubliais… Votre fiancé… »
Fiorinda sécha ses pleurs, les refoula, et ses yeux lumineux rivés sur les yeux de la reine, dressée dans une attitude irréprochable, attentive, repliée sur elle-même, elle attendit l’attaque. Car, chose curieuse, qu’elle eût été probablement fort en peine d’expliquer, elle ne doutait pas que ce ne fût le prélude d’une lutte mortelle où il lui faudrait rendre coup pour coup et – qui sait ? – tuer peut-être pour ne pas être tuée elle-même… ou celui qu’elle aimait, ce qui, pour elle, était tout un.
Cette fois, Catherine n’avait plus devant elle un homme confiant, parce que trop loyal, comme Ferrière. Cette fois, elle allait avoir affaire à forte partie. Elle ne s’en doutait pas, certes. Mais qui eût pu s’en douter ? Fiorinda était si jeune.
« Rassurez-vous, votre fiancé n’est pas en danger… pas pour le moment du moins… Et il dépendra de vous qu’il en soit longtemps ainsi. »
Fiorinda tressaillit. Elle ne s’était pas trompée : c’était bien la lutte qui commençait. Elle demeura calme.
« Tout à l’heure, vous avez dit, madame, devant moi, que la vie et la liberté de M. de Ferrière dépendaient de la justification de Mgr le vidame, son père. Maintenant, vous dites que cela dépend de moi… Il y a donc quelque chose de changé, madame ? Puis-je vous demander quoi ? Et en quoi il ne dépend que de moi que mon fiancé ne soit pas menacé ? »
C’était un coup droit, inattendu. Catherine fronça le sourcil.
« On n’interroge jamais la reine, ma petite. Si vous étiez de la cour, vous sauriez cela.
– Une pauvre fille des rues comme moi ne peut pas connaître les usages de la cour. La reine voudra bien excuser cette ignorance et les erreurs qu’elle peut me faire commettre. C’est pourquoi je me permets d’insister, madame. Rien ne me tient tant au cœur que le salut de mon fiancé. Si j’ai bien compris, ce salut ne dépend que de moi. En quoi ? Pourquoi ? Comment ? Voulez-vous m’expliquer cela, madame ?
– Plus tard, ma petite, il n’est pas encore temps. Pour l’instant, contentez-vous de savoir que j’ai besoin de vous. Et que de la façon dont vous me servirez dépendra le sort de votre fiancé.
– Je croyais que la reine voulait consulter en moi la diseuse de bonne aventure.
– Sans doute, sans doute, fit Catherine avec commencement d’impatience. Mais il y a la manière… qui ne saurait être ici la même que dans la rue. Je vous expliquerai cela en temps et en lieu. À ma convenance, à moi, et non à la vôtre. »
Elle avait dit cela un peu sèchement. Elle reprit immédiatement son attitude bienveillante et avec un gracieux sourire destiné à corriger l’impression pénible que pouvait avoir causé son mouvement d’humeur :
« Je suis venue, bien que mon temps soit précieux, parce que je m’intéresse à vous, pour vous dire : Vivez ici sans appréhension et sans inquiétude. Vous serez bien traitée et j’entends que vous ne vous priviez de rien. Si vous me servez bien, vous serez récompensée au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. Je me charge de votre mariage avec M. de Ferrière. Entendez-vous : Je m’en charge… à condition que je sois contente de vous… c’est-à-dire de la façon dont vous me servirez.
– Votre Majesté m’a déjà fait l’honneur de me le dire, répliqua Fiorinda sans qu’il fût possible de percevoir si elle raillait ou parlait sérieusement. Je ne l’oublierai pas. »
Catherine approuva d’un léger signe de tête et se dirigea vers la porte.
Là, elle s’arrêta, et se retourna :
« À propos, dit-elle, je ne veux pas vous laisser croire que vous êtes prisonnière. À partir de maintenant, les portes ne seront plus fermées à clef. Vous êtes libre d’aller et
Weitere Kostenlose Bücher