Fiorinda la belle
renseignée.
– Non, fit vivement Catherine, qui voyait trop tard la faute qu’elle venait de commettre. Je ne suis pas renseignée. J’ai entendu chuchoter sous le manteau que MM. de Guise avaient sollicité, ou allaient solliciter l’intervention du pape. On parlait d’une bulle. Personne ne disait, et pour cause, ce qu’elle contenait ou contiendrait. Vous le savez donc, vous, monsieur, qui parlez avec tant d’assurance ? »
Beaurevers sourit des explications embarrassées qu’elle s’évertuait à lui donner. Et il répliqua :
« J’ai eu l’honneur de vous dire en commençant que j’avais eu en main la preuve palpable du complot. En disant cela, je faisais allusion à cette bulle. »
Catherine le savait avant qu’il l’eût dit. Seulement elle ne voyait pas alors cette bulle du même œil qu’elle la voyait maintenant. Et de sa voix caressante :
« En sorte, dit-elle, que mieux que personne vous devez savoir ce qu’elle contient. Et j’espère bien que vous allez me renseigner.
– Je ne suis venu que dans cette intention. Le pape, madame, donne le trône de France au duc de Guise, à l’exclusion de la race des Valois qui est déclarée indigne de régner.
– Je savais cela, avoua Catherine. Mais la race des Valois… voilà qui me paraît assez vague. On peut…
– Non, madame, interrompit Beaurevers avec plus de rudesse, aucune échappatoire n’est possible. Le pape précise et nomme les trois héritiers éventuels : Charles, Henri, François. Il fulmine l’anathème contre eux… Il ordonne à tous les fidèles de leur courir sus et de les abattre comme des bêtes malfaisantes… Vous entendez, madame : des bêtes malfaisantes. Il accorde d’avance des indulgences plénières et sa sainte bénédiction à celui qui délivrera le monde de ces trois petits monstres.
– Vous êtes sûr qu’il y a cela ? demanda Catherine les lèvres pincées, l’œil chargé d’éclairs, redressée enfin dans une attitude de menace.
– Tout à fait sûr, madame », répéta froidement Beaurevers.
Et il ajouta, d’un air souverainement détaché :
« Ceci, madame, constitue le danger direct dont vous êtes menacée et dont j’ai jugé qu’il était de mon devoir de vous aviser. C’est fait. Je n’ai plus rien à ajouter.
– Ah ! mon fils doit être abattu comme une bête malfaisante, à seule fin que le trône puisse revenir à M. de Guise !
« Et M. de Guise s’imagine que je vais le laisser faire !… Le sot, le niais, l’imbécile, le misérable assassin !… Me tuer mon fils, le dépouiller !… Allons donc ! Qu’il y vienne un peu, le Lorrain !… S’il n’a pas la moindre idée de ce que c’est qu’une mère qui défend son petit et de quoi elle est capable, je me charge de le lui montrer, moi !… Et d’abord, pour commencer, cette alliance avec les Bourbons ne se fera pas… Je m’en charge… Tiens, est-ce que le Lorrain s’imagine par hasard que je vais stupidement lui permettre d’augmenter ses forces pour écraser mon fils !… »
Elle s’était levée, elle allait et venait dans son oratoire par bonds successifs, et les mots sortaient de sa gorge contractée, pareils à de sourds rugissements.
Beaurevers s’était mis à l’écart. Il voyait bien qu’elle avait totalement oublié sa présence. Il l’observait avec une attention passionnée et il se disait :
« Voilà la tigresse qui se réveille, qui sort les griffes et montre les crocs… Gare aux Lorrains !… Elle va bondir sur eux et ne les manquera pas. »
Brusquement, Catherine s’apaisa. Elle devait avoir trouvé la contre manœuvre susceptible de parer le coup qui l’atteignait et de frapper à son tour, et rudement. Elle rentrait dans l’action. Et dès lors elle retrouvait ce calme et ce sang-froid qui la faisaient si redoutable. Oubliant qu’elle venait un bref moment de mettre son âme à nu, elle reprit le masque, rentra dans son rôle.
« Les renseignements que vous venez de me donner, dit-elle, sont précieux… vraiment précieux… et ils changent radicalement mes vues. J’étais mal renseignée sur cette affaire. Je ne pensais pas que le roi fût menacé. Mais puisqu’il est en danger, mon rôle est tout indiqué. Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Mais ce que je sais, ce que je puis vous assurer, c’est que, moi vivante, jamais, jamais, entendez-vous, les Guises ne prendront la place de mes enfants. »
Elle avait
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