Fiorinda la belle
qu’on l’abatte comme un chien enragé. Et dix, vingt estafiers se ruent sur lui. Tout doux, madame. Vous savez bien qu’on ne me tue pas si aisément, moi ! »
Furieuse de se voir si bien devinée, Catherine gronda encore une fois entre ses dents :
« Ce démon a donc, comme son père, le don de lire dans les cœurs ! »
Beaurevers, avec un peu de rudesse, car sa résistance commençait à l’énerver, continua :
« On ne me tuera pas du premier coup. Il y aura bataille, du bruit… Je me charge d’en faire comme vingt à moi tout seul… Une bataille dans la chambre de Sa Majesté la reine mère, quel scandale et quelle émotion aussi… Mais tout le Louvre, le roi en tête, va se précipiter dans cette chambre. »
Il prit un temps, comme pour lui laisser le loisir de bien fixer dans ses yeux le tableau qu’il évoquait, et il acheva :
« C’est ce que je demande, moi. Du monde, beaucoup de monde autour de moi pour m’entendre dire et prouver que Catherine de Médicis, épouse, fut adultère. Mère, elle a comploté et complote encore la mort de son fils, le roi François II. Catherine de Médicis adultère et régicide… Vous savez, madame, quel est le châtiment réservé aux régicides ?… Pardieu, je vous entends : le roi ne peut pas faire dresser l’échafaud pour sa propre mère. C’est entendu, madame. Mais il y a mille moyens de se débarrasser à la douce d’un criminel… Et puis, et votre fils Henri ?… Quand vous ne serez plus là, madame, quand il connaîtra la vérité, est-ce que vous croyez que le roi tolérera la présence de cet intrus dans sa famille ?… Ah ! le pauvre petit Henri, victime innocente des fautes de sa mère, il ne sera pas long à dormir son dernier sommeil, couché entre les quatre planches d’un cercueil. Le même cercueil peut-être où vous vouliez étendre son frère, le roi, pour le rapprocher du trône.
– Assez !… » hurla Catherine affolée par l’épouvantable vision de son fils bien-aimé, livide, glacé, rigide, descendu au cercueil.
Cette fois, Beaurevers comprit qu’elle était définitivement domptée. Il n’ajouta plus un mot. Et il reprit une attitude respectueuse, telle que la lui imposait cette même étiquette qu’il venait de fouler aux pieds avec une audace qui aurait pu lui coûter cher.
Vaincue, Catherine ne chercha plus à louvoyer.
« C’est bien, dit-elle après un court silence, dites ce que vous exigez de moi. »
Elle insistait sur le mot.
Beaurevers l’accepta sans sourciller. Et, traitant de puissance à puissance :
« Je vais, madame, parler sans ambages, dit-il. C’est le plus sûr moyen d’arriver à une entente rapide. Vous voulez la mort du roi. Moi, je ne la veux pas. Je comprends, je trouve très naturel que vous cherchiez à me supprimer, puisque je suis l’obstacle qui menace de faire avorter vos projets. Mais je ne comprends plus, je n’admets plus, que vous cherchiez à me frapper dans mes amis, qui sont bien innocents et tout à fait ignorants de nos affaires.
– Eh quoi ! fit Catherine, étonnée, ce n’est pas de vous-même que vous voulez parler, c’est de vos amis ?
– De mes amis, oui, madame. Et puisque vous avez employé ce mot, j’exige que vous ne les teniez pas pour responsables de mes actes et que vous ne vous vengiez pas sur eux des embarras que je vous cause.
– Je ne prévoyais pas cette requête. Je la trouve juste, d’ailleurs. Encore faut-il me faire connaître le nom de ces amis qui vous sont chers.
– Je parle du comte de Ferrière et de sa fiancée Fiorinda, madame, répliqua Beaurevers qui se tenait sur ses gardes.
– Ferrière, Fiorinda, s’écria Catherine avec un air de surprise admirablement joué, mais je n’ai aucun motif de leur vouloir du mal !
– Ah ! je vous en prie, madame, s’impatienta Beaurevers, ne recommençons pas les finasseries. Ferrière m’a aidé à sauver le roi. Et vous le savez… Fiorinda a été chargée d’un message pour Griffon. Vous le savez encore. Et il se trouve que Ferrière a subitement disparu, que Fiorinda a été enlevée sur votre ordre et conduite ici, où elle est même séquestrée.
– Cette jeune fille est venue ici contre son gré, c’est vrai. Mais c’est de son plein gré qu’elle y demeure. Elle est si peu séquestrée qu’elle peut circuler librement, s’en aller si cela lui convient. Si elle ne le fait pas, c’est parce qu’elle sait bien que la fantaisie que
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