Fiorinda la belle
instantanément, son attitude se modifia : l’amabilité remplaça la raideur hautaine.
On eût pu croire que Beaurevers avait pris un temps pour lui permettre de réfléchir. Il continua, ayant très bien remarqué ce changement d’attitude :
« Comme le doit faire tout bon sujet, j’ai voulu présenter mes très humbles hommages à Votre Majesté. Je n’ai pas réfléchi que ce maudit couloir est si étroit qu’en effet j’ai l’air de barrer le passage. Je prie humblement la reine de me pardonner en faveur de l’intention qui était bonne. »
Et il s’écarta.
Catherine passa. Et en souriant :
« Vous êtes tout pardonné, monsieur… J’ai été surprise… et je n’ai pas su maîtriser mes nerfs. »
Beaurevers feignit de ne pas remarquer qu’elle s’excusait, qu’elle avait hâte de s’éloigner, ne se sentant pas rassurée. Et avec une désinvolture qui redoubla son inquiétude, s’adressant directement à Fiorinda :
« Méfiez-vous dans ce couloir, Fiorinda. Regardez bien où vous posez le pied. Sondez le terrain et fouillez les coins d’ombre. Je me suis laissé dire qu’il existe ici une trappe mystérieuse qui s’ouvre sous le pas de certains imprudents et les précipite dans je ne sais quel abîme d’où ils ne reviennent jamais. »
Ce fut au tour de Fiorinda de frémir. Elle n’avait pas envisagé cette redoutable éventualité.
Catherine fit vivement :
« Qui vous a fait ce conte saugrenu ?
– Le roi, madame, dit froidement Beaurevers. Le roi qui doit connaître sa maison, j’imagine.
– Ah ! si c’est le roi, je ne dis plus rien », déclara Catherine.
Et elle ajouta :
« Puisque vous êtes si bien renseigné, montrez-nous donc cette fameuse trappe dont j’ignorais l’existence, moi qui connais bien la maison aussi, pourtant.
– La trappe existe, assura Beaurevers d’un air déconfit ; on l’ouvre en actionnant un ressort adroitement dissimulé… Malheureusement, le roi ignore et n’a pu me dire, par conséquent, où est caché ce ressort.
– Voilà qui est fâcheux ! sourit Catherine.
– Mais vous le savez, vous, madame.
– Moi !… Grand Dieu ! que de choses je suis censée connaître que j’ignore totalement !… Il en est du ressort comme de la trappe… dont je n’avais jamais entendu parler. »
Elle semblait le narguer. On sait qu’il n’était pas précisément patient. Il s’approcha d’elle presque à la hauteur, et plongeant dans ses yeux un regard étincelant, la voix rude :
« La trappe existe… elle est là à quelques pas de nous… peut-être sommes-nous dessus… Et vous seule savez comment on l’ouvre… Et je suis venu pour vous dire simplement ceci : j’espère qu’elle ne s’ouvrira pas pour cette jeune fille… je l’espère… pour vous.
– Vous divaguez ! lança Catherine dans un sursaut de révolte.
– J’espère qu’elle ne s’ouvrira pas, répéta Beaurevers avec force… Mais il faut tout prévoir… »
Son mouvement de colère était déjà tombé. Ce fut de son air froid, de sa voix un peu railleuse qu’il acheva :
« Si ce malheur arrivait, je dois vous avertir, madame, que j’aurais le regret et le très grand honneur de procéder à cette arrestation dont nous parlions il y a un instant. »
Cette fois, il parlait clairement. Catherine comprit qu’il avait l’ordre signé en poche et qu’il ne dépendait que de lui de le mettre à exécution. Elle grinça des dents. La colère qu’elle éprouva et contre Fiorinda, cause première de l’humiliation qu’elle subissait, et contre son fils qui avait signé l’ordre, et contre Beaurevers qui avait accepté de l’exécuter, cette colère fut effroyable. Si elle avait pu les broyer tous les trois d’un geste, c’eût été fait.
Elle n’était pas femme à s’avouer vaincue tant qu’une lueur d’espoir subsistait. Elle se redressa de toute sa hauteur et avec une inexprimable majesté :
« Qui donc, fit-elle, oserait porter la main sur la mère de son roi ? »
Mais Beaurevers n’était pas non plus homme à se laisser impressionner par ses grands airs. Il répondit de son air glacial :
« Moi, madame… S’il arrive malheur à cette enfant, cette main que voici s’abattra sur votre épaule… Et nulle force humaine ne pourra vous arracher à son étreinte. »
Ils se regardèrent un inappréciable instant, elle avec des yeux flamboyants, striés de sang, lui avec un regard d’une
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