Fiorinda la belle
l’anneau que voici… »
Elle lui tendit une bague en souriant.
Et Fiorinda, plus effarée, se demandait si elle ne rêvait pas, n’osait pas la prendre, chevrotait :
« Ce joyau… à moi…
– Mais oui, à vous, s’impatienta Catherine. Je vous ferai remarquer qu’il y a déjà un moment que je vous le tends et qu’on ne fait pas attendre la reine. »
Fiorinda se décida à allonger la main. Et elle murmura :
« Je rêve !… Quoi ! la reine me récompense pour lui avoir désobéi… après et malgré les menaces… »
« Eh ! petite, interrompit Catherine en riant à gorge déployée, ne faites plus la naïve… je ne m’y laisserai plus prendre… Avouez franchement que vous aviez deviné que c’était une épreuve à laquelle je vous soumettais.
– Une épreuve !…
– Eh ! sans doute, une épreuve ! Une épreuve dont vous vous êtes tirée à votre avantage. Vous êtes libre de quitter le Louvre quand il vous plaira.
– Quoi ! s’écria Fiorinda qui n’en revenait pas, je suis libre de partir ?
– Je vous l’ai dit, sourit Catherine.
Tout de suite ?
– Si vous voulez.
– Avec M. de Ferrière ?
– Avec M. de Ferrière. »
Fiorinda était étourdie par cette inaltérable condescendance. Néanmoins l’insurmontable aversion que lui inspirait Catherine ne s’atténuait pas. Elle voulut battre le fer pendant qu’il était chaud et elle répondit encore par une question.
« Quand pourra-t-il partir, madame ?
– Quand vous partirez vous-même, puisque vous vous en irez ensemble. Voulez-vous aller le chercher maintenant ?
– Si la reine veut bien le permettre, oui.
– Vous êtes bien pressée de me quitter ! » fit Catherine avec une pointe d’amertume.
Fiorinda rougit, mais ne répondit pas.
Catherine hocha la tête d’un air attristé, mais ne fit pas d’observation.
Elle se leva et dit simplement :
« Allons le chercher.
– Oh ! madame, protesta Fiorinda confuse, je n’accepterai pas que la reine pousse la bonté jusqu’à se déranger pour moi. Je trouverai bien toute seule.
– Vous trouverez, je n’en doute pas. Mais M. de Ferrière, sachez-le, ne s’en ira pas si je ne lui dis moi-même qu’il est libre. Or, puisque vous voulez vous en aller séance tenante, il faut bien que j’aille le lui dire. »
Fiorinda ouvrit la bouche pour dire : « Il n’est pas nécessaire d’aller le trouver pour cela. Vous pouvez le faire venir devant vous. » Mais Catherine était déjà partie. Elle la suivit sans rien dire.
Pendant quelque temps, elle se tint sur ses gardes. Lorsqu’elles mirent le pied dans une antichambre encombrée, elle se dit : « Elle va me faire saisir et jeter dans quelque cachot. »
Mais Catherine passa, se contentant de répondre par un signe de tête aux profondes révérences des assistants.
Il apparut clairement à Fiorinda qu’elle ne voulait pas la faire arrêter.
Elles arrivèrent dans un couloir assez étroit, humide, où régnait un demi-jour blafard, et complètement désert.
Catherine s’arrêta brusquement avec un instinctif mouvement de frayeur : un homme venait soudain de lui barrer le passage, en se courbant devant elle. C’était Beaurevers qu’elle ne reconnut pas tout d’abord, tant le lieu était sombre.
Beaurevers se redressa. Il n’attendit pas que la reine lui adressât la parole. Il parla le premier, sans y être autorisé.
« Votre Majesté prend l’air avec Fiorinda », dit-il.
Prendre l’air dans ce lieu sombre, humide, glacial, imprégné d’une odeur de moisi qui saisissait à la gorge ! Beaurevers, assurément, voulait rire. Il n’y paraissait pas à le voir. Il montrait un sérieux imperturbable.
Mais l’ironie était trop criante. Et la voix avait de ces résonances de fanfare que Catherine commençait à connaître, et qui, généralement, ne lui annonçaient rien de bon.
Froide, hautaine, elle gronda :
« Je crois, Dieu me pardonne, que vous vous permettez d’arrêter votre reine ! »
Beaurevers se courba dans un salut exorbitant et, se redressant, de sa voix mordante :
« Arrêter la reine ! dit-il. Telle n’est pas mon intention !… Pas pour l’instant, du moins… »
Catherine tressaillit : la menace était flagrante. Elle avait la conscience trop chargée pour être absolument tranquille. Une arrestation n’était pas impossible. Le lieu, en tout cas, était des plus propices. Elle frémit. Et,
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