Fiorinda la belle
froideur mortelle.
Et ce fut Catherine qui détourna les yeux, baissa la tête.
Il la vit domptée. Sa voix s’adoucit un peu pour dire :
« Je vois que vous m’avez compris, madame. Je suis sûr que la trappe ne s’ouvrira pas maintenant. »
Il se tourna, et assez haut, pour que Catherine entendît :
« Allez, Fiorinda, suivez la reine sans crainte. Il ne vous arrivera rien de fâcheux. »
Et comme s’il répondait à une observation que lui faisaient ses yeux :
« Oui, évidemment, le mieux serait que je ne vous quitte plus jusqu’à ce que vous soyez hors du Louvre… Je ne peux pas faire cette injure à la reine. Ne craignez rien, vous dis-je. »
Il s’inclina devant Catherine et partit sans tourner la tête en se disant :
« Je suis sûr qu’elle n’osera pas passer outre à la menace que je viens de lui faire. »
Malheureusement, Beaurevers se trompait.
Catherine avait eu peur, horriblement peur. Mais lorsqu’elle vit que Beaurevers se retirait, elle réfléchit. Et le résultat de ces réflexions fut qu’elle se dit :
« S’il avait eu l’ordre de m’arrêter, il l’aurait montré, il aurait exigé de nous accompagner, tout au moins jusqu’au bout du couloir. Il ne l’a pas fait. C’est qu’il n’a rien… »
Elle attendit que Beaurevers fût loin, hors de la portée de la voix. Alors elle se remit en marche en disant simplement :
« Allons. »
Fiorinda la suivit. Cette scène l’avait bouleversée. Elle était maintenant aussi inquiète que lorsqu’elle avait franchi le seuil de l’oratoire de Catherine, à sa suite. Elle n’avait pas osé donner son avis. Mais s’il n’avait tenu qu’à elle, Beaurevers ne l’eût pas imprudemment quittée comme il venait de le faire.
Elle n’eut pas le temps de faire aucune réflexion. Au bout d’une dizaine de pas, Catherine s’arrêta et s’accota au mur, comme si elle était fatiguée.
Fiorinda s’arrêta comme elle et attendit son bon plaisir.
Tout à coup elle entendit comme le bruit d’un déclic assez fort. Et elle vit une dalle basculer à quelques pas devant elle.
D’une voix effroyablement calme, Catherine prononça :
« La trappe est ouverte. »
Elle saisit Fiorinda par le poignet et s’approcha avec elle du trou béant. Elle le lui montra du doigt et dit :
« Vous voyez qu’il n’y a pas d’abîme là… Il n’y a qu’un petit escalier, assez raide, assez étroit, j’en conviens, mais enfin un escalier n’est pas un abîme. Ce Beaurevers a la manie d’exagérer sans mesure. »
Elle la lâcha et, la main tendue vers le trou, les traits durcis, le regard froid, d’une voix impérieuse, elle gronda :
« Descendez ! »
Fiorinda eut un instinctif mouvement de recul. Elle avait eu beau prévoir le danger, il se présentait à elle d’une manière si imprévue qu’il la surprenait malgré tout. D’une voix faible, elle murmura :
« Descendre là !… C’est horrible !… »
Catherine la contempla un instant en silence. Elle jouissait de son trouble et de son effroi. Avec le même calme sinistre, elle expliqua :
« Je vous avais promis que vous seriez châtiée, si vous désobéissiez. Vous avez désobéi. Voici le châtiment… Allons, descendez ! »
Catherine croyait avoir étudié Fiorinda et la connaître à fond. Elle devait s’apercevoir là qu’elle ne la connaissait pas du tout, ou du moins très mal.
Le premier moment de surprise et de frayeur était passé. Fiorinda déjà se ressaisissait. Devant l’imminence du péril, elle retrouvait tout son sang-froid. Et la femme d’action, aux décisions promptes, qu’elle-même ne savait pas être, devait se révéler.
Elle regarda Catherine en face et, d’une voix qui ne tremblait pas :
« Je ne descendrai pas, dit-elle.
– Vraiment ! railla Catherine.
– Non, ma foi, railla à son tour Fiorinda. Il fait trop noir, trop froid là-dedans… Et puis, cela ne sent vraiment pas bon. Descendez vous-même et vous verrez… »
Catherine, stupéfaite, demeura un instant sans voix devant cette attitude menaçante qu’elle n’avait pas prévue.
Fiorinda fouilla vivement dans son sein, en sortit son poignard et, levant le bras, d’une voix changée, qu’on ne pouvait plus reconnaître, à son tour, elle commanda, impérieusement :
« Descendez !… Ou, aussi vrai que vous êtes une méchante et abominable femme, je débarrasse le monde d’un monstre tel que vous… je vous tue sans
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