Fiorinda la belle
pitié. »
Catherine était brave. Elle le fit bien voir, elle aussi. Elle se mit à rire doucement, sous la menace du poignard levé sur elle. Avec le plus grand calme, elle prit une montre qu’elle avait à sa ceinture, la consulta et, la mettant sous les yeux de Fiorinda, interdite :
« Tenez, regardez, dit-elle tranquillement, savez-vous ce qui va se passer si dans dix minutes je ne suis pas de retour chez moi pour y révoquer certain ordre que j’ai donné avant mon départ ? »
Fiorinda sentit un frisson la parcourir des pieds à la tête. Elle entrevoyait quelque chose d’affreux, elle sentait que la catastrophe allait s’abattre sur elle, inévitable et inexorable. Son bras levé retomba doucement.
Une lueur de triomphe passa dans l’œil de Catherine. Malheureusement, elle ne la vit pas. Sans quoi elle eût compris que la terrible jouteuse, jamais à court de ruses, était en train de la jouer en mentant audacieusement, comme Beaurevers l’avait jouée elle-même l’instant d’avant.
Voyant qu’elle ne frappait pas et se taisait, Catherine reprit avec le même air tranquille :
« Il se passera que M. de Ferrière sera mis à la question.
– La question ! lança Fiorinda, éperdue.
– La question, oui. La grande et la petite… Faut-il vous expliquer en quoi cela consiste ?
– C’est abominable ! clama Fiorinda qui sentait une sueur froide glacer ses tempes.
– Maintenant, continua impitoyablement Catherine, frappez-moi si vous voulez… Non ?… Attendons. Le temps passe… Ferrière aura les jambes broyées, on tenaillera ses chairs pantelantes, on y coulera du plomb fondu, on lui arrachera la langue… C’est vous, vous qui le voulez ainsi. »
La pauvre Fiorinda ne put en entendre davantage. Elle gémit :
« Grâce ! »
Catherine se redressa, farouche, terrible, et montrant le trou :
« Descendons ! fit-elle. Je n’ai plus que huit minutes pour rentrer chez moi. »
Fiorinda frissonna :
« Et si j’obéis, dit-elle en se tordant les mains, qui me dit que mon fiancé sera épargné ?
– Sur la tête de mon fils Henri, je jure qu’il le sera, dit Catherine. Allons, décide-toi… Dépêche-toi. »
Fiorinda en savait assez pour comprendre qu’elle respecterait ce serment-là. Elle n’hésita pas :
« Je descends », dit-elle.
Et elle mit le pied sur la première marche, s’enfonça dans le noir, dans l’inconnu, dans la mort…
XXII – ENCORE LA TRAPPE
Ne voyant pas paraître Fiorinda, Beaurevers comprit que Catherine n’avait pas tenu compte de ses menaces et avait agi.
Il revint dans le couloir et durant des heures, avec une patience que rien ne rebutait, il chercha la trappe et le bouton qui permettait de l’ouvrir. Il ne trouva rien.
La nuit vint. Ce ne fut que lorsqu’il n’y vit plus du tout qu’il se résigna à lâcher pied.
Il rentra chez lui. Là seulement il sentit qu’il mourait de faim. Ce qui était assez naturel puisqu’il avait oublié de déjeuner et de dîner. Il mangea un morceau à la hâte et se jeta rageusement sur son lit. Il était de nouveau furieux contre lui-même. Il avait pourtant fait tout ce qu’il avait pu.
Le lendemain matin, dès que la chose fut décemment possible, il faisait demander audience à Catherine.
Elle se douta bien de ce qui l’amenait. Elle n’hésita pas à le recevoir et lui fit même un accueil gracieux.
Beaurevers alla droit au but.
« Il paraît que la trappe s’est ouverte quand même, dit-il.
– C’est vrai, dit froidement Catherine, la trappe s’est ouverte.
– J’espère que cette enfant n’est pas morte ! » dit Beaurevers que l’angoisse étreignait.
Les paroles n’étaient rien. C’était le ton qu’il fallait entendre. C’était le visage livide, flamboyant, formidable, qu’il fallait voir. Ceci, Catherine le vit et l’entendit fort bien et cela lui suffit pour se rendre compte que sa vie ne tenait qu’à un fil. Aussi elle se hâta de rassurer :
« Pourquoi voulez-vous qu’elle soit morte ? Elle n’a pas été frappée. Si elle a descendu toutes les marches de l’escalier qui se trouve sous la trappe, elle a abouti à un cachot… assez incommode, j’en conviens, mais enfin où l’on peut très bien vivre… quelques semaines. »
Beaurevers vit qu’elle disait la vérité. Il devina du coup quel genre de supplice elle avait voulu infliger à Fiorinda. Et d’une voix vibrante d’indignation :
« On y peut vivre
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