Fiorinda la belle
dis-je.
– Dieu vous entende !
– Je ferai en sorte qu’il veuille bien m’entendre », plaisanta François.
Et avec assurance :
« D’ici peu, nous ferons dresser le contrat. Je dis nous, parce que j’entends le signer, j’entends être de la noce, j’entends ouvrir le bal avec la mariée, tandis que le marié aura l’honneur d’être le cavalier de la reine Marie. Cela sera ainsi, foi de roi.
– Sire, Sire, balbutia le vidame profondément ému, tant de bontés pour moi qui les mérite si peu ! »
Brusquement, il se laissa tomber sur les deux genoux et, courbant sa tête vénérable :
« Sire, ce n’est pas un pardon que j’implore… Un aussi grand coupable que moi est indigne de miséricorde… Faites venir votre bourreau, Sire, et livrez-lui la tête que voici… ce sera justice. »
François ne tenta pas de le relever. Était-il content ou mécontent ? On n’aurait su le dire tant il s’était fait hermétique. Cependant, il protesta assez vivement.
« Relevez-vous, monsieur. L’honnête homme que vous êtes ne saurait être coupable. »
Le vidame s’obstina :
« Je suis un misérable, il faut que je confesse mon crime et que je l’expie ensuite… La seule expiation possible, c’est la mort. Je l’ai cent, mille fois méritée… »
Alors François se pencha sur lui, le prit par les mains et, par une douce violence, l’obligea à se mettre debout. Et avec une gravité un peu triste :
« Monsieur, je ne sais pas ce que vous voulez dire. Vous parlez de confession. Sachez, monsieur, que je ne veux rien entendre. Rien, comprenez-vous ?… Vous dites que vous avez mérité la mort. Soit. Ne vous semble-t-il pas qu’il y a quelque chose de mieux à faire ?
– Qui donc, Sire ?
– Réparer le mal qui a été fait… Et que vous avez failli, inconsciemment, couvrir de toute l’autorité qui s’attache…
– J’ai compris, interrompit vivement le vidame. Là est le vrai devoir, et je remercie Votre Majesté de me l’avoir rappelé à temps. »
Et avec une émotion contenue :
« Vous serez un grand roi, Sire, grand par la magnanimité et la noblesse du cœur.
– Si Dieu me prête vie ! » fit François avec cette pointe de scepticisme mélancolique dont il ne pouvait se défendre chaque fois qu’il envisageait un avenir qu’une sorte de prescience lui disait qu’il n’atteindrait pas.
Et il ajouta :
« Puisque vous avez compris, puisque vous êtes résolu à agir… »
Il suspendit sa phrase, semblant attendre la confirmation de ce qu’il avançait. Le vidame protesta :
« De toutes mes forces, de tout mon cœur, et je vous réponds que je ne ménagerai ni mon temps ni ma peine. »
François approuva d’un léger signe de tête et acheva :
« Il faut que je vous donne mes instructions. »
Durant près d’une demi-heure, François donna ses instructions au vidame attentif. Il y ajouta un certain nombre de documents secrets que le vidame devait emporter.
*
* *
Or, après le départ du vidame, Beaurevers, qui avait son idée, s’en alla trouver Ferrière et lui raconta mot pour mot tout ce qui venait de se passer entre le roi et son père. Et il arriva ce qu’il espérait : Ferrière s’aperçut alors qu’il avait été magistralement joué par Catherine. Il ne se fit plus scrupule de parler.
Le résultat de cette explication que Beaurevers avait eu tant de mal à obtenir fut que, dès le lendemain matin, Ferrière et Fiorinda quittèrent le Louvre. Fiorinda fut conduite à la maison de la rue des Petits-Champs où Beaurevers répondait qu’elle serait bien gardée et où Ferrière pourrait venir la voir quand il voudrait et tant qu’il voudrait.
Quant à Beaurevers, il se donna la satisfaction d’aller annoncer la nouvelle à Catherine qui, devant lui, reçut le coup sans trop faire la grimace, mais qui, quand il fut parti, faillit en étouffer de rage.
XXIV – ROSPIGNAC ENTRE EN SCÈNE
Il est temps de revenir à Rospignac, que nous avons été dans la nécessité de négliger quelque peu.
Nous avons dit en son temps qu’il avait pris la route de Chartres en compagnie de son homme à tout faire, le truand Guillaume Pentecôte, et suivi par une dizaine de ses hommes de l’escadron de fer qui affectaient de ne pas le connaître et voyageait de leur côté par petits groupes qui semblaient s’ignorer mutuellement.
Avant de se mettre en route, et suivant les instructions de Catherine, il
Weitere Kostenlose Bücher