Fiorinda la belle
s’était rendu à l’hôtel de Cluny, où il avait eu un long et sérieux entretien avec le cardinal de Lorraine. De cet entretien, il était sorti nanti de pouvoirs étendus et porteur d’ordres en blanc. Il va sans dire que, dans l’esprit du cardinal, ces ordres devaient être utilisés dans l’intérêt de sa maison. Tandis que, dans l’esprit de Rospignac, ils devaient l’être au profit de Catherine.
Rospignac partit. Il s’arrêta à Orléans. Là, il s’était mis en relation directe avec le roi de Navarre, à qui il avait fait parvenir un sauf-conduit en règle, signé de la main du duc de Guise et contresigné de la main du cardinal. Il invitait en outre Sa Majesté à se rendre à Orléans où le duc François viendrait s’entendre personnellement avec elle.
Jusque-là il avait suivi fidèlement les instructions du cardinal. Parce qu’elles concordaient avec celles de Catherine.
Le roi de Navarre eut le tort de poursuivre les négociations avec Rospignac, représentant attitré des Lorrains, alors que le silence de son frère, le cardinal de Bourbon, lui commandait la prudence et la réserve. Il eut le tort plus grand de se fier au sauf-conduit des Guises, de quitter ses États. Et il avertit Rospignac qu’il consentait à se rendre à Orléans, comme on le sollicitait de faire.
Rospignac abandonna alors les instructions du cardinal pour suivre celles de Catherine. Sans l’ombre d’un scrupule, il trahit délibérément les Lorrains au profit de sa maîtresse.
Il se garda bien d’aviser le cardinal de la prochaine arrivée du roi de Navarre. Quand celui-ci fut à Orléans, il le leurra, sous des prétextes plausibles, durant plusieurs jours. Puis, brusquement, il lui mit la main au collet et le fit bellement enfermer et garder à vue au château. Tout comme s’il se fût agi d’un simple gentilhomme.
Rospignac avait si habilement machiné ce coup de force que tout le monde crut qu’il s’accomplissait sur l’ordre des Guises. Le roi de Navarre le crut tout le premier et nous laissons à penser s’il cria à la trahison et si la colère fut grande contre les faux traîtres qui l’avaient attiré dans ce guet-apens où il avait donné tête baissée.
Du fait de cette arrestation, le projet d’alliance destiné à diviser les forces des religionnaires au profit de MM. de Guise, tombait à l’eau. C’était encore un échec, et des plus graves, pour eux. Le pis était qu’ils ne pouvaient la désavouer, cette arrestation : c’eût été l’aveu implicite de leurs sourdes menées.
Son coup fait, Rospignac avait repris à franc étrier le chemin de Paris. Il ramenait avec lui Guillaume Pentecôte et sa bande de sacripants.
À Paris, le baron avait pris tout juste le temps de changer de costume et il était allé rendre compte de sa mission. Catherine l’avait écouté avec la plus grande attention, et lorsqu’il eut achevé de raconter avec force détails ce que nous venons de résumer, elle n’avait pas caché sa satisfaction. Et elle avait daigné féliciter :
« Allons, voilà une affaire qui a été menée avec une adresse dont il convient de vous féliciter, baron. »
Et avec un mince sourire :
« Ce succès vient à propos pour faire oublier vos précédents échecs… Depuis quelque temps, baron, vous jouiez vraiment de malheur.
– Aussi, madame, je tiens à prendre ma revanche. Et cette fois, je crois avoir trouvé l’infaillible moyen de vous livrer Beaurevers pieds et poings liés… »
Rospignac semblait sûr de lui. Une lueur sanglante passa dans l’œil de Catherine. Et très calme en apparence :
« Parlez, Rospignac, je vous écoute », dit-elle. Rospignac parla. Catherine écouta. Quand il eut fini, elle approuva :
« Soit. Agissez, Rospignac. Mais pour Dieu ! faites vite.
– Madame, dit froidement Rospignac, une affaire pareille ne peut aboutir qu’à la condition d’être préparée de longue main, menée lentement, sans rien laisser au hasard. Trop de précipitation nous conduirait à un échec certain… dont je décline la responsabilité. »
Catherine fronça le sourcil. Mais elle dut s’avouer qu’il avait raison car après avoir réfléchi une seconde elle consentit :
« Vous avez raison, Rospignac. Allez, et faites pour le mieux. »
Rospignac s’inclina devant elle et sortit.
Une huitaine de jours s’écoulèrent.
Ferrière partageait son temps entre sa fiancée, à qui il faisait d’interminables
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