Fiorinda la belle
passèrent. Un matin, on vint annoncer au vidame un envoyé du roi. Un envoyé du roi ne se pouvait éconduire. Le vidame pensa qu’on venait l’arrêter. Comme il était brave, il ne voulut pas se dérober par la fuite. Il alla lui-même au-devant de cet envoyé.
C’était Beaurevers. Il admira en connaisseur le calme imposant que montrait le père de cet ami. Il s’inclina respectueusement devant lui et, avec une déférence marquée :
« Monseigneur, le roi désire s’entretenir avec vous. Et il a bien voulu me charger de vous escorter jusqu’auprès de sa royale personne. »
Le vidame rendit le salut avec cet air majestueux qui lui était naturel et, sans acrimonie :
« Dites plus simplement que vous êtes chargé de m’arrêter, fit-il.
– Vous vous trompez, monseigneur, protesta Beaurevers avec vivacité. Il n’est pas question d’arrestation. Vous sortirez du Louvre libre comme vous y serez entré. Je vous en donne l’assurance formelle.
– Je ne demande qu’à vous croire… Cependant, vous conviendrez que je peux trouver étrange que ce soit vous précisément qui soyez chargé de cette mission. »
Le vidame parlait avec une grande courtoisie. Cependant, Beaurevers le sentait sinon hostile, tout au moins froid. Sans se départir du respect qu’il lui témoignait, il dit en le regardant droit dans les yeux et en insistant sur ses mots :
« Si je suis ici, c’est que personne que moi ne pouvait vous dire ce que je vous dis : le roi, monseigneur, n’ignore rien de ce qui a été décidé entre MM. de Guise et vous. Seulement, je vous donne ma parole qu’il ignore que vous êtes mêlé à cette affaire. Le roi n’a aucun soupçon sur vous. »
Son regard clair, son bon sourire, son fin profil de médaille resplendissant de franchise et de loyauté, tout en lui indiquait qu’il ne pouvait pas mentir.
« Je vous crois, monsieur, nous partirons quand il vous plaira. Je me tiens à vos ordres.
– Monseigneur, je suis ici pour recevoir vos ordres et non pour en donner. Nous partirons donc quand il vous plaira, à vous, et non quand il me plaira, à moi. »
Comme tout le monde, le vidame commençait à subir, sans s’en apercevoir, l’étrange ascendant que le chevalier exerçait autour de lui. À moitié conquis, il soupira :
« Allons, vous êtes un charmant cavalier, décidément : aussi loyal et généreux que fort et audacieux… Quel dommage que nous ayons à nous combattre… »
Il s’arrêta, craignant d’en avoir trop dit. Et il acheva :
« On ne doit pas faire attendre le roi. Partons, monsieur, si vous le voulez bien. »
Ils se mirent en route.
Beaurevers n’était pas sans avoir remarqué combien le vidame, qu’il avait vu peu de jours avant si vert, si solide encore, paraissait maintenant vieux et cassé. Il en eut pitié. Et comme il se doutait bien que l’indifférence du vieillard au sujet de son fils était affectée, tout en se gardant bien de faire la moindre allusion à Fiorinda, il trouva moyen de lui apprendre, en causant avec lui, que Ferrière habitait provisoirement au Louvre.
Le vidame accueillit la nouvelle d’un air dégagé. Il ne posa aucune question, il ne s’étonna pas. On se souvient qu’il avait appris que son fils était très lié avec le comte de Louvre et que le comte de Louvre c’était le roi. Il pensa naturellement que c’était le roi qui avait voulu avoir son ami auprès de lui. Il laissa tomber ce sujet de conversation, comme s’il le jugeait sans intérêt.
Mais Beaurevers, qui l’observait, vit bien qu’il était content et comme soulagé d’un grand poids qui l’oppressait.
En devisant comme des amis, ils étaient arrivés au Louvre. Là, Beaurevers remit son compagnon aux mains de Griffon qui devait l’introduire près du roi. Et il prit congé de lui, déclarant que sa mission était terminée.
Griffon, qui avait reçu des instructions, introduisit à l’instant le vidame dans le petit cabinet de travail du roi.
En l’apercevant, François s’écria joyeusement :
« Ah ! monsieur le vidame, je suis content de vous voir !… »
Le compliment du vidame fut, comme son attitude, irréprochable. D’un vieux courtisan comme lui, il ne pouvait en être autrement. Cependant le roi sentit la froideur qui perçait malgré tout. Il n’en laissa rien paraître. Et, très aimable :
« Asseyez-vous, monsieur, nous avons à causer assez longuement. »
Le vidame obéit en
Weitere Kostenlose Bücher