Fleurs de Paris
tu
m’diras l’truc ?
– C’est juré que j’tè dis !
– Eh bien ! prends le reste de la
boîte. Mais donne-moi z’en de la boîte. Mais donne-moi z’en encore
un !
Zizi octroya généreusement un massepain au
digne La Merluche et engouffra le reste dans sa poche.
– Moi, reprit-il, j’ai l’truc pour faire
casquer les poires. À preuve le billet de cent francs que j’ai
subtilisé ce soir-là à la baronne de va-te-faire-lan-laire. En v’là
encore une, la bougresse ! Plus moyen de savoir oùs qu’elle
perche !
– Et alors, dis que j’pourrais faire
casquer La Veuve.
– T’as pas encore la main. Ça viendra…
Seulement, écoute : nous partagerons. Sans ça, rien
d’fait !
– Moitié chacun ?…
– Ça va !
– Donc, reprit Zizi, tu vas trouver La
Veuve, bien gentiment ; tu commences par causer avec elle de
la pluie et du beau temps ; tu la vois qui s’tortille, qu’à
l’air emberlificotée de t’voir, et finalement, elle te
demande : « Mais, mon petit Julot, comment qu’ça s’fait
qu’t’as dégoté mon adresse ?… »
– Et si elle ne me le demande
pas ?
– Elle te le demandera ! C’est juré,
que j’te dis !…
– Bon ! fit La Merluche convaincu.
Elle me demandera comment qu’j’ai trouvé son adresse. Et
alors ?
– Alors, tu lui répondras…
« Comment qu’j’ai trouvé votre adresse,
La Veuve ? Bien simple ! Vous savez que mon dab exerce la
profession de flic ? Eh bien ! quéqu’fois, à table, il
raconte ce qui s’passe au commissariat. Alors figurez-vous qu’nous
y a raconté que la préfecture donne une prime à tout agent qui
découvrira oùs que vous perchez. Alors, mon paternel voudrait bien
gagner la prime, vu qu’ça mettrait du beurre dans les épinards pour
le prochain terme… »
– Alors, c’est entendu ? Demain
matin, à huit heures, j’t’attends au pied du Calvaire, Y avait
justement quéqu’jours que j’voulais y aller pour y faire un
pèlerinage… j’profiterai d’l’occase…
Et Zizi, se levant, poussa La Merluche étourdi
par cette arithmétique, en lui disant :
– File donc, il n’est qu’temps !
V’là onze heures et demie qui sonnent !
*
* * * *
Le lendemain matin, à l’heure dite, le fils de
l’agent Chique, ayant quitté le domicile paternel en disant qu’il
se rendait à l’ouvrage, grimpa sur les hauteurs de la Butte, et, à
l’endroit convenu, trouva Zizi qui l’attendait. Zizi, en apercevant
son lieutenant, remit ses billes dans sa poche et dit
simplement :
– Amène-toi !…
Pendant le trajet, il répéta ses instructions.
Puis, parvenu au coin de l’étrange sentier qui porte le nom de la
rue Saint-Vincent, il s’assura que les abords étaient solitaires et
lança La Merluche.
Ce dernier demeura une demi-heure chez La
Veuve.
Il sortit enfin et rejoignit Zizi. À ce
moment, un homme passant prés de ce dernier s’engageait dans la rue
Saint-Vincent ; mais Zizi le vit à peine, hypnotisé qu’il
était par La Merluche qui arrivait en courant.
La Merluche exhiba triomphalement deux billets
de banque de cinquante francs. Zizi en saisit un et le fit
disparaître.
– Raconte un peu comment que ça s’est
passé…
– Mon vieux, épatant ! D’abord, La
Veuve, en me voyant, a paru tout à fait tourneboulée. Si ses yeux
avaient été des pistolets, j’étais fait. Puis, quand j’y ai eu dit
le coup de la prime, et qu’on la cherchait, elle n’a pas fait
ouf ! Elle s’est assise, si tellement estomaquée qu’j’en ai eu
peur. Et puis quand j’y ai eu dit que pour cent balles j’fermerais
ma boîte, elle a pensé une minute à des choses, puis elle m’a
aboulé les deux faffes et elle m’a dit :
« – Mon p’tit Julot, j’bougerai pas d’ici
pendant huit jours ; si tu veux revenir dans huit jours, j’te
donnerai dix fois plus qu’aujourd’hui, tu entends ? Dix fois
plus, ça fait mille ! Seulement, si on m’trouve d’ici là,
j’pourrai rien t’donner…
– Ça, murmura Zizi à part lui, ça veut
dire qu’elle va décamper aujourd’hui…
– Alors, continua La Merluche, j’y ai
juré que j’dirai rien à personne, tu penses ! et que
j’reviendrai dans huit jours…
– Veinard ! fit Zizi. Tu vas être
trop riche ! Mille balles ! Non ! y a qu’à toi
qu’ces choses-là arrivent !
Chapitre 45 L’ÂME DE LA PETITE LISE
Lorsque La Merluche, sur l’instigation de
Zizi, eut rendu visite à
Weitere Kostenlose Bücher