Fleurs de Paris
La Veuve, lorsque celle-ci lui eut remis
les cent francs, La Veuve, demeurée seule, s’assit sur son
escabeau, les jambes brisées, le visage convulsé de terreur et de
haine.
Que la police fût à sa recherche, elle n’en
douta pas un instant. Et du moment qu’on la cherchait, sa capture
n’était qu’une question d’heures.
– M’en aller d’ici ? songea-t-elle.
C’est ce qu’il y a de plus pressé. Mais elle… comment l’entraîner
en plein jour ? Si elle crie, je suis perdue. On me
l’enlève.
Elle se trouvait alors au premier étage de la
bicoque ; étage qui donnait de plain-pied sur les jardins et
devenait ainsi rez-de-chaussée ; un escalier de bois
permettait de descendre au niveau de la rue Saint-Vincent,
c’est-à-dire à une sorte d’entrée sur laquelle s’ouvrait la salle
basse où était enfermée Lise.
Tout à coup, La Veuve entendit que quelqu’un
montait l’escalier. Elle eut un frémissement, et quelque chose
comme une malédiction gronda sur ses lèvres.
– C’est la police ! trop tard !
Valentine m’échappe !
À ce moment, l’homme qui montait étant arrivé
tout prés d’elle releva la tête, et La Veuve poussa un strident
éclat de rire : ce n’était pas un agent… c’était le fils
d’Hubert… le frère de Valentine !
– Nouvelle réunion de famille !
songea La Veuve. Que va-t-il sortir de là ?… Salut, monsieur
le baron, ajouta-t-elle à haute voix.
– Salut, La Veuve ! dit Gérard
d’Anguerrand. Mais, pour vous mettre tout de suite à l’aise, je
veux vous apprendre que j’ai un autre nom que celui que vous me
donnez. Je m’appelle aussi Lilliers… Je m’appelle aussi
Charlot…
– Asseyez-vous donc, monsieur le baron.
Je vous attendais. Je ne sais pas comment vous m’avez dénichée ici,
mais je vous attendais.
– Savez-vous ce qui s’est passé au
Champ-Marie ?
– Pas exactement, dit La Veuve, puisque,
pendant que vous montiez, moi j’étais ficelée par Jean Nib…
– Par Jean Nib !…
– Et je me doute que, du moment où Jean
Nib vous est tombé dessus, monsieur votre honorable père, un
honnête homme… oui ! un honnête homme, puisque aucun des
crimes qu’il a commis n’est prévu et puni par le code…
« Qu’est-ce que je disais ?
reprit-elle. Oui, puisque Jean Nib est apparu au Champ-Marie, je me
suis doutée que les choses avaient mal tourné pour vous. J’ai vu
partir votre père…
– Mais vous disiez que Jean Nib vous
avait attachée ?
– Eh bien ! je m’étais détachée,
voilà tout. Jean Nib a sauvé M. le baron d’Anguerrand.
– Écoutez, La Veuve ! dit Gérard.
Peu m’importe, au fond ce que vous avez vu ou pas vu. Je viens
simplement vous demander : « Qu’est devenu, Jean Nib,
Qu’est devenu le baron d’Anguerrand ? »
– Vous avez raison ! dit rudement La
Veuve. Avec un homme comme vous, il est stupide de ruser. Mais
avant de répondre à votre question, je veux vous en poser une autre
après l’affaire du Champ-Marie, je ne vous ai pas cherché, vous,
puisque je vous croyais mort. Mais j’ai cherché madame votre digne
et honorable épouse.
– Pourquoi ? demanda froidement
Gérard.
– J’avais une affaire avec vous. J’en
avais une autre avec Mme la baronne, une autre que vous ne
saviez pas, vous, que vous ne deviez pas savoir !
Cette affaire que vous ne saviez pas,
continua-t-elle tout haut, je vais vous la dire. Pendant que je
vous conduisais au Champ-Marie, la baronne, votre noble épouse,
montait chez moi pour y voir quelqu’un… Stupidement, j’avais eu
confiance dans la parole de cette honnête femme… Le quelqu’un
qu’elle devait voir… quelques minutes seulement… rien que pour lui
dire quelques mots…, c’était ma fille…
– Votre fille ? interrogea Gérard
étonné.
– Oui :
ma fille !
Pourquoi n’aurais-je pas une fille, moi aussi ? Et pourquoi,
ayant une fille, ne l’aimerais-je pas tout autant que M. le
baron peut aimer la sienne ?
– Je vous crois, La Veuve. Je vous crois
capable d’amour, puisque vous êtes capable de haine…
La Veuve eut un regard étrange pour celui qui
lui parlait ainsi. Elle frissonna, Un sanglot étouffé la
secoua…
Puis, secouant la tête, elle reprit :
– Avez-vous confiance en votre
femme ?
– Oui, dit froidement Gérard.
–
Tant mieux
, fit la Veuve avec
un sourire sinistre. Cependant, dites-moi, elle n’existe que par
vous. Si une raison
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