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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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et, d’un geste lent, de
ce geste par lequel les vivants semblent flatter la mort dans le
vague espoir d’être épargnés par elle, il mit bas sa casquette. Il
y eut une minute d’effarement, de terreur, de respect, d’étonnement
dans l’esprit de ces deux êtres enlacés qui, muets, palpitants,
serrés comme pour se protéger l’un l’autre, contemplaient la mort
dans son repaire le plus hideux, à l’heure funèbre où tout se tait
au monde. D’étranges pensées les assaillirent. Des imaginations
terribles passèrent devant eux comme une armée de fantômes, et
l’angoisse secoua sur eux ses ailes cotonneuses et silencieuses
comme les ailes des grands papillons de nuit…
    Jean Nib se reconquit le premier, échappa à
l’effrayante impression et murmura :
    – La Morgue… Et après ? C’est un
hôtel dont la tenancière ne nous dénoncera pas… Ceux qui dorment là
n’iront pas dire à Finot qu’ils nous ont vus…
    – Allons-nous-en, Jean, je t’en prie,
emmène-moi d’ici…
    – Pas avant de savoir qui nous a ouvert
la porte ! dit Jean Nib.
    – Le gardien aura oublié de fermer…
Allons-nous-en, j’ai peur…
    – On n’oublie pas de fermer la Morgue,
dit Jean Nib. On peut oublier de fermer une prison, mais la Morgue,
jamais… Et la porte n’était pas ouverte… On l’a ouverte… Qui l’a
ouverte ?
    – Je tremble… J’ai peur, ô ! Jean,
plus que jamais je n’ai eu peur… Ô ! Jean ! si cet homme
avec sa gorge ouverte allait se lever pour nous dire : c’est
moi qui ai ouvert !.
    Jean Nib la serra plus étroitement contre lui
et secoua la tête.
    – Tu blagues ! gronda-t-il avec un
rire nerveux. Les macchabées, s’ils savaient ouvrir les portes,
commenceraient par ouvrir leurs tombes… Oh ! oh !… tiens…
regarde… là !…
    Ses yeux, dans la nuit, à deux pas de lui,
venaient de tomber sur quelque chose… une robe ramassée en tas… une
femme tombée là, sur les dalles… Jean Nib vivement, examina le
visage de la femme, et dit sourdement :
    – Voilà celle qui nous a
ouvert !…
    – Morte, dis ?… morte ?…
    – Non, par tous les tonnerres !
Vivante ! Oh ! la pauvre gosse… Je comprends son
histoire… on l’a crue morte, et elle s’est réveillée ici parmi les
morts… c’est elle qui a tourné la clef sur la serrure… tourné la
crémone… elle voulait fuir, c’est sûr…
    – Mais maintenant !… morte ?…
dis ?… morte de peur ?…
    – Vivante, te dis-je !… Attends que
je voie sa frimousse… aide-moi à la soulever… là… on la voit…
    – Oh !… grelotta Rose-de-Corail.
    – Quoi ?…
    – La reconnais-tu ?… La petite
bouquetière !…
    – C’est bien elle… oui, c’est elle…
pauvre gosse ?…
    Un genou à terre, Jean Nib appuya la tête de
Marie Charmant sur son autre genou.
    Et pendant quelques instants, Edmond
d’Anguerrand contempla, pensif et sombre, les traits délicats de
Valentine d’Anguerrand…
    – Faut la tirer de là ! murmura
Rose-de-Corail. Si elle se revoit ici quand elle va ouvrir les
yeux, elle est capable d’en mourir.
    – T’as raison, dit Jean Nib.
Viens-nous-en…
    Il souleva dans ses bras Marie Charmant
toujours évanouie. Rose-de-Corail ouvrit la porte… Et ils
sortirent…
    – Remets la porte en place, dit Jean
Nib.
    Rose-de-Corail obéit et rajusta la lourde
porte en tirant sur elle les deux battants. Jean Nib inspectait les
abords. Tout était noir et silencieux. Aux environs, personne. Jean
Nib descendit sur la berge et déposa Marie Charmant sur le sol.
Rose-de-Corail trempa son mouchoir dans la Seine et se mit à
humecter les tempes et les lèvres de la bouquetière. Au bout de dix
minutes, Marie Charmant ouvrit les paupières… elle vit les hautes
ombres des maisons, elle vit ces deux visages vivants, elle vit que
tout, autour d’elle était vivant, et elle se mit à pleurer…
    – Allons, ma belle, murmurait
Rose-de-Corail, on est des aminches… pleure, pleure, va… ça fait du
bien…
    – Allons, la môme, disait Jean Nib, faut
croire que nous devions nous revoir… Je t’ai déjà tirée un soir,
près des fortifs, des sales pattes de la mouche, voilà que j’te
tire à présent des pattes des macchabées…
    – Oh ! je vous reconnais ! je
vous reconnais ! balbutia Marie Charmant. Emmenez-moi…,
oh ! loin d’ici.
    Peu à peu, Marie Charmant revenait pleinement
au sens de la vie. Non seulement elle fut bientôt en état

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