Fleurs de Paris
le suis de raconter en
ce moment la chose à Votre Altesse et à ces messieurs.
– Eh bien ! c’est un rude homme,
votre Charlot. Il me plaît… Quand on se mêle de faire du fait
divers, au moins faut-il le faire proprement. Je voudrais le voir,
votre Charlot !
Le valet de pied, sans bouger de place,
considéra le prince d’Olsteinburg. Et l’étrange sourire qui était,
non sur ses lèvres, mais dans ses yeux, s’aviva d’une flamme
bientôt éteinte.
– Une fois le concierge endormi sur son
lit, Charlot a tranquillement fait entrer un ou plusieurs hommes à
lui, très probablement plusieurs, au moins deux. Ces hommes
attendaient sans doute devant la maison. Ils sont entrés avec un
pic à manche très court et deux fortes pinces en fer. Ces outils
ont été retrouvés sur place.
– Au fait, ce sera toujours un
dédommagement pour maître Rieffer… Voilà un coquin de belle
envergure. Maintenant, je vais risquer quelques louis…
Le prince s’était levé et se dirigeait vers la
table de jeu. Le valet de pied soulevait la portière…
– Toi, dit le prince en lui tirant
l’oreille, rappelle-toi que je ne veux plus être servi que par
toi.
Dix minutes plus tard, le prince d’Olsteinburg
prenait la banque, et les pontes sérieux se tâtaient pour la forte
bataille ; le prince avait mis deux cent mille francs devant
lui.
À trois heures du matin, le prince
d’Olsteinburg quitta le cercle. Il se sentait fatigué. La partie
avait été peu intéressante. Il n’avait ni gagné ni perdu. Il était
de mauvaise humeur.
Firmin lui endossa sa pelisse, et, sur son
ordre, l’accompagna jusqu’à sa voiture pour lui ouvrir la
portière.
Entre l’instant où il revêtit sa fourrure et
celui où il commença à descendre l’escalier, le prince échangea
quelques mots avec deux ou trois personnes. Dans ce rapide laps de
temps, le valet de pied était rentré dans le petit salon dont la
fenêtre donnait sur la place. Il ouvrit cette fenêtre et jeta sur
le trottoir une pièce de deux sous qui tomba en résonnant et alla
se perdre dans le ruisseau.
Firmin, déjà, la fenêtre refermée, rejoignait
le prince qui commençait à descendre l’escalier.
– Quel est ce bruit ? demanda tout à
coup le prince en atteignant les dernières marches et en tendant
l’oreille à une rumeur venant de la rue.
– Je vais m’en informer,
Monseigneur ! dit Firmin, qui s’élança au dehors.
Le prince continua à descendre lentement,
distribuant, selon son habitude, des pourboires aux valets et au
chasseur, qui se précipita en criant :
– Le coupé de Monseigneur le prince
d’Olsteinburg !
Au même instant, Firmin revenait en
disant :
– Ce n’est rien, Monseigneur. Deux
ivrognes se sont pris de querelle avec le cocher de l’une de ces
voitures ; le pauvre cocher a reçu, paraît-il, un rude coup
sur la tête ; les deux ivrognes se sont sauvés…
– Monseigneur ! ah !
Monseigneur ! s’écria le chasseur, votre cocher !…
– Bon ! c’est lui qui s’est fait
casser la tête, hein ?… Quel animal ! Est-ce qu’il est
mort ?…
– Oh ! non, Monseigneur. Dès qu’il
aura été pansé à la pharmacie voisine, il n’y paraîtra plus…
– L’imbécile !… Alors, je vais être
obligé d’attendre ?… Va me chercher un fiacre, Firmin…
– Si Monseigneur daignait me permettre,
dit le valet de pied.
– Parle ! grommela le prince.
– Si Monseigneur le désire, je vais le
reconduire dans son coupé. Ainsi Monseigneur ne sera pas obligé de
monter dans un fiacre. Et le cocher de Monseigneur rejoindra dès
qu’il pourra.
– Tu sais donc conduire ?…
– J’ai eu l’honneur de servir cinq ans
chez M. le baron Héglof, en qualité de cocher.
– Endosse donc la pelisse de cet animal,
et monte sur le siège.
Firmin obéit et rassembla les rênes avec
l’autorité d’un cocher de race. Le prince approuva d’un signe de
tête et prit place dans le coupé qui, aussitôt, s’ébranla, se
dirigeant vers les Champs-Élysées : le prince d’Olsteinburg
avait son hôtel aux abords de la place de l’Étoile.
Tout à coup, au moment où la voiture arrivait
au rond-point, elle s’arrêta brusquement ; la portière
s’ouvrit : Firmin entra dans le coupé, prit place près du
prince, et aussitôt la voiture se remit en marche, mais au pas.
D’abord, muet de stupeur, le prince, alors,
s’écria :
– Holà, maître Firmin, perds-tu
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