Fleurs de Paris
magistrat et alla carillonner à sa porte, où il fit un
tel vacarme que le digne commissaire s’habilla en toute hâte. Mis
en présence de M. Lambourne, Finot expliqua son affaire. Sans
doute il fut éloquent. Sans doute ses arguments finirent par
convaincre le commissaire. Car, une heure plus tard une forte
escouade cernait l’hôtel.
Lambourne et Finot s’étaient placés devant la
grande porte, écoutant et regardant, attendant le jour pour frapper
et entrer au nom de la loi. Car, cette fois, le commissaire voulait
être dans son droit légal pour opérer une perquisition
complète.
Il y avait environ cinq minutes qu’ils étaient
là, en observation, Finot ayant disposé le reste de la brigade
selon toutes les règles de l’art.
Tout à coup, un cri étouffé leur parvint du
fond de l’hôtel.
Cela venait de cette pièce où Finot avait vu
une lumière.
C’était quelque chose comme un long
gémissement lugubre qui s’éteignit presque aussitôt.
– Entendez-vous ? murmura Finot en
saisissant le bras du commissaire, oubli des convenances bien rare
chez lui… Entendez-vous ?
– Oui, oui ! fit
M. Lambourne.
À ce moment, un deuxième cri, mais éclatant,
déchirant, tragique, monta dans le silence.
– On assassine là dedans ! haleta
Finot !
– Oui, oui ! En avant !…
– Enfin ! rugit Finot, qui
s’élança…
Chapitre 66 LE FRÈRE DE VALENTINE
Jean Nib raconta au baron toute sa vie, et
n’omit aucun détail de cette existence de rôdeur.
– Vous voyez, répétait-il tristement. Le
fils que vous avez retrouvé n’est au fond qu’un bandit. Il eût
mieux valu pour vous ne jamais me connaître, et pour moi, ignorer
toujours la honte qui me déchire la conscience et le cœur en ce
moment…
– Un malheureux, disait le baron en lui
serrant les deux mains dans les siennes, un malheureux, mais non un
bandit. Jeté sur le pavé de Paris, sans soutien, sans père ni mère,
ni rien au monde, que pouvais-tu devenir ? L’honnêteté,
Edmond, je le vois sur la fin de ma triste vie, l’honnêteté est un
luxe… Celui qui est fier de son honnêteté ne peut répondre de ce
qu’il ferait si les circonstances le poussaient au mal. Toi, par
exemple, toi que l’on poursuit, que l’on traque, toi qui es promis
à la Cour d’assises, qu’eusses-tu été si je t’avais élevé près de
moi, si tu avais eu une mère, si tu avais été élevé dans le
bien-être ? L’idée du mal ne se fût même jamais présentée à
ton esprit ; tu serais honnête, et, à cette heure, en lisant
les exploits d’un Jean Nib quelconque, tu te dirais :
« Est-il possible que la nature ait mis de tels instincts chez
certains êtres ?… » Il n’y a qu’un instinct, Edmond c’est
l’instinct de vivre. Si la vie se présente à toi facile ou même
simplement possible, il n’y a plus de mal dans ton esprit, plus de
malheur autour de toi… L’homme n’est que le jouet des événements
qui créent son âme et la façonnent à leur gré…
Ainsi le baron cherchait à consoler son fils
et sans doute à se consoler lui-même.
Le baron d’Anguerrand avait raconté dans tous
ses détails la scène du château de Prospoder où Gérard et Adeline
avaient tenté de l’assassiner.
Il avait aussi raconté comment il avait cru
que Lise était sa fille, et comment Lise lui avait prouvé que
Valentine n’était autre que la bouquetière Marie Charmant.
Après les premières minutes d’étonnement où
l’avait jeté cette révélation, Jean Nib, à son tour, avait assuré
le baron qu’il se faisait fort de retrouver Marie Charmant. Et, à
son tour il avait raconté comment il était en relations avec la
bouquetière…
C’est dans cette situation d’esprit que nous
retrouvons le baron Hubert d’Anguerrand et son fils Edmond après
deux jours passés depuis la scène de la reconnaissance.
Des décisions avaient été prises entre les
deux hommes : nous allons voir lesquelles.
Il était environ dix heures du soir.
Le baron et son fils se trouvaient dans ce
même grand salon, assis à leur table, non loin du portrait de la
baronne, comme s’ils eussent voulu se mettre sous sa
protection.
Jean Nib était complètement transformé.
La veille, le baron était sorti, puis était
revenu avec une cargaison d’habillements de toute nature, dans
lesquels Jean Nib avait fait son choix avec une sorte d’instinct
très sûr des convenances. Dans ses nouveaux habits, il ne
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