Fleurs de Paris
pas.
Il y avait Lise ; et elle la
tenait !
Il y avait Hubert, et, pour celui-là, son plan
était combiné depuis longtemps.
Il y avait enfin Gérard qui lui échappait…
À cette idée que Gérard d’Anguerrand se
mettait sans doute à l’abri, une sorte de rage l’envahissait ;
et elle serrait plus fort, les mains de Lise, comme pour s’assurer
que celle-là, du moins, ne lui échapperait pas. Mais bientôt, un
sourire crispa ses lèvres blêmes : elle avait trouvé la
solution.
L’auto volée s’arrêta enfin devant la maison
de Tricot, et entra dans la cour, dont la grande porte fut
soigneusement refermée. Alors, La Veuve prit elle-même Lise dans
ses bras, et, suivie de Biribi, le faux chauffeur, la transporta
dans le bâtiment où se trouvait Zizi.
Elle la déposa sur un lit, et, déchirant
rapidement le corsage, poussa un soupir de satisfaction.
La balle n’avait fait que contourner les os de
l’épaule. Valentine ne mourrait pas de ce coup-là !
Alors, sans s’inquiéter de ce que deviendrait
la blessée, sans lui accorder le moindre soin, elle sortit en
fermant la porte à double tour et se rendit dans son logement.
Biribi l’y attendait.
– Eh bien ? ricana le bandit. En
voilà toujours une de démolie sans que nous ayons eu à nous en
mêler ? Elle a reçu un atout, la môme, et il n’y a qu’à
laisser faire la nature, comme disait le marchand de mort qui me
soignait à l’hôpital. Je crois qu’elle n’en a pas pour
quarante-huit heures.
– Pour le moment, il ne s’agit pas de
cette petite, dit froidement La Veuve.
Et de qui qu’il s’agit ?…
– De Gérard.
– Dites donc, La Veuve, grogna Biribi,
faudrait voir à m’accorder un peu de repos. Non, c’est pas pour
dire, mais vous vous chargez de faire turbiner les gens,
vous !
– De quoi te plains-tu, puisque je
paye ?
– Pour ça, rien à dire ! Vous payez
recta
. Avec vous, pas besoin de demander. Mais c’est égal,
si j’ai pas une minute à moi, pour rigoler un brin avec vos
faflots, à quoi ça me servira-t-il de gagner des mille et des
cent ?
– Ce que je vais te demander n’exigera
pas grande fatigue, va…
Ils riaient. Ils plaisantaient ainsi. L’énorme
Biribi se balançait sur une chaise, attendant que La Veuve
s’expliquât. Au fond, il était heureux, heureux de voir les
affaires se multiplier et s’embrouiller. Non seulement il y gagnait
de l’or, mais encore il y trouvait la satisfaction de ses instincts
carnassiers. Jamais il ne s’était autant amusé que dans les
expéditions entreprises sous la conduite de La Veuve.
– Dites donc, La Veuve, reprit-il en
roulant ses énormes épaules, tâchez que ça soye pas comme à
Neuilly, hein ? Non, voyez-vous, tous ces macchabées que nous
avons enfouis, c’était rigolo, j’dis pas, mais c’est bon une fois…
d’autant que c’étaient tous de bons bougres.
Et il eut un nouveau rire qui fit trembler les
vitres.
– Alors, reprit-il au bout d’un instant,
quoi que nous faisons ?
– Rien de difficile. Assieds-toi là.
Elle lui montrait la table. Le bandit traîna
sa chaise et s’assit à l’endroit indiqué. La Veuve posa devant lui
du papier, des enveloppes, une plume et de l’encre.
– Écris, dit-elle.
– Quoi qu’y faut qu’j’écrive ?
La Veuve réfléchit une minute, puis
dicta :
« À monsieur le chef de la Sûreté, à la
Préfecture de police, boulevard du Palais, Paris. »
Biribi écrivit. Sa grosse écriture maladroite
et grossière tremblait, et, tout en écrivant, il grommelait des
blasphèmes. Mais il obéissait !…
La Veuve continua à dicter :
« Monsieur le grand chef,
« Vous me connaissez pas ; moi je
vous connais pas non plus, et j’espère jamais avoir l’occase de
faire votre connaissance…
« Seulement, malgré que je vous connaisse
pas, j’ai entendu parler de vous comme d’un homme tout à fait bon,
tout ce qu’il y a de mieux en fait de bonté. Et comme je sais que
vous êtes très embêté, je vous écris à seule fin de vous soulager
de vos ennuis. Quoi qui vous embête, monsieur le grand chef ?
C’est de pas pouvoir mettre la main sur le nommé Charlot, un rude
type, c’est vrai, mais aussi pourquoi qui m’a fait des
misères ?…
« Voilà, monsieur le grand chef. Ça
apprendra à Charlot à se payer ma poire. Je vais donc manger le
morceau, et vous dire tout ce que je sais. Primo d’abord, Charlot
s’appelle pas Charlot. Y
Weitere Kostenlose Bücher