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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qu’elle était morte

    Hagard, livide, très près de la folie en ce
moment où, avec une maladive précision, il reconstituait la mort de
Marie Charmant, il se redressa tout à coup, les mains cramponnées
au parapet, et, dans un dernier sanglot qui secoua tout son être,
prononça à haute voix :
    – Eh bien ! puisqu’elle est morte
ainsi, qu’est-ce que j’attends, moi, pour mourir comme
elle ?…
    L’instant d’après, il enjambait le
parapet.
    *
* * * *
    Pierre Gildas qui s’était évadé il y avait de
cela quinze jours de la Maison Centrale de Melun, allait donc en se
tenant aussi ferme que possible. Peut-être lui eût-il été
indifférent d’être arrêté, et c’est ce qui lui donnait un air de si
tranquille assurance. Mais, si ferme qu’il se tînt sur ses jambes,
quelquefois il vacillait tout à coup ; alors, d’un énergique
effort, il surmontait sa faiblesse, et, après un instant d’arrêt,
il reprenait sa marche.
    – Sacré bon sang, murmurait-il, est-ce
que je vais crever de faim ?… C’est terrible, la faim…
    À un moment, il s’assit sur un banc du
boulevard Poissonnière.
    – Je leur ai tout de même joué le
tour !… Mais vrai, ce n’était pas la peine ! Voilà des
mois que je rêvais de me trouver en face du marquis et de lui
dire : « C’est moi ! Vous ne m’attendiez pas ?
C’est pourtant moi, je vais vous régler votre compte !… »
J’arrive à Paris, je piste le damné marquis, je ne le lâche pas
pendant huit jours, et patatras ! quand je crois le tenir, un
autre s’est chargé de lui régler son affaire !… Trop tard, bon
sang ! le marquis est mort !…
    « Non, ce n’était pas la peine de
m’évader ! Qu’est-ce que je vais devenir ?… Il faut que
j’essaie coûte que coûte de rentrer à la cambuse… Dire que je vais
revoir ma petite Juliette… et ce singe d’Ernest… C’est drôle,
l’effet que ça me fait !
    Il eut un rire d’aise à la pensée de sa fille
et de son fils. Il frémissait d’espoir.
    Tout à coup il s’aperçut que la nuit était
venue. Il se leva. Il reprit alors sa morne promenade, s’exerçant
toujours à marcher d’un pas ferme. Il se dirigeait vers la
Madeleine, le long des boulevards qui, maintenant, scintillaient,
dans le tumulte des voitures, dans cet énorme bourdonnement qui
semble être le murmure de la vie heureuse. Ayant gagné les
Champs-Élysées, il se reposa longtemps sur un banc, allongé,
invisible dans l’ombre opaque. Il pouvait être dix heures.
    – Allons, fit-il, le temps d’arriver à la
maison, il sera minuit… ce sera le bon moment pour passer et
entrer…
    Mais comme il allait se secouer, se lever, il
demeura figé, étendu sur un banc : à vingt pas de là, deux
ombres venaient d’apparaître. Pierre Gildas reconnut que c’était
une femme accompagnée d’un gamin. Ils causaient entre eux,
tranquillement, et Pierre Gildas les entendit :
    – Alors, comme ça, disait le gamin, on va
retrouver Biribi au rond-point ?…
    – Oui, au rond-point, répondait la femme.
Et les autres, là-haut, à I’Étoile…
    Pierre Gildas avait eu un profond et violent
tressaut de tout son être :
    – Zizi !…
    Il eût voulu bondir, courir, saisir son enfant
dans ses bras… il était, comme paralysé…
    Et, comme enfin, dans un suprême effort, il
allait parvenir à jeter un cri, il demeura foudroyé, les yeux
exorbités, la pensée vacillante, l’âme emplie d’horreur…
    Zizi… son fils… oui, son fils venait de parler
encore… et, répondant à une question de la femme, voici ce que
disait Zizi :
    – Pas de danger, La Veuve ! J’ai pas
envie de rejoindre le dab ! Je me ferai pas piéger comme lui,
moi ! Mais, vous savez, La Veuve, pas de blague : je veux
ma part de fafiots !
    – Je te dis qu’il y a plus de cinquante
mille, puisque tu auras ta part… ta part d’homme.
    Le murmure des voix s’éteignit ; les deux
ombres s’effacèrent dans la nuit… Pierre Gildas, sur son banc,
frissonnait et râlait :
    – Voleur !… Voleur comme moi !…
Mon fils !
    Il se remit en marche, murmurant des mots sans
suite, avec, parfois, une plainte faible de pauvre être harassé qui
ne comprend rien à sa destinée. Il n’avait plus de fils, mais il
lui restait sa fille.
    Et, de nouveau, les tortures de la faim
s’acharnaient sur lui. L’idée de mendier ne lui venait pas ;
peut-être n’eût-il pas osé… Seulement, comme il passait devant

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