Fleurs de Paris
Pierre Gildas
s’évanouit…
Chapitre 23 JEAN NIB
Au moment où, vers onze heures du soir, La
Veuve et Zizi s’étaient mis en route pour gagner Neuilly, un
incendie venait d’éclater rue Clignancourt.
– Un beau feu de joie, dit Zizi en
passant.
La Veuve ne répondit rien.
Ils descendirent vers l’Opéra et la Madeleine,
puis gagnèrent les Champs-Élysées…
La Veuve remontait l’avenue, marchant de son
allure égale et fatale. Elle était silencieuse, absorbée dans le
profond calcul de son œuvre de mort. En ce moment, elle songeait à
Jean Nib. Elle avait toujours éprouvé pour lui et Rose-de-Corail
une sorte de sympathie rude – autant qu’elle était capable de
sympathie pour quelque chose ou quelqu’un. Mais Jean Nib était
devenu un obstacle : froidement, elle le supprimait… Elle
avait d’abord songé à lancer sur lui ce carnassier moitié dogue
moitié tigre qui s’appelait Biribi. Mais elle avait redouté l’issue
de la lutte – et elle avait adopté une autre tactique plus
sûre : précipitant l’accomplissement du projet qu’elle avait
exposé à Jean Nib et à Biribi dans le bastion, elle avait dès le
lendemain matin du conciliabule prévenu que ce serait pour la nuit
suivante – et aussitôt, elle avait avisé l’agent de la sûreté que
l’hôtel du marquis de Perles allait être dévalisé.
En effet, La Veuve, parmi les connaissances
qu’elle
cultivait
depuis longtemps, possédait un agent de
la sûreté. Seulement, si La Veuve connaissait parfaitement la
demeure de l’agent, il avait toujours été impossible à celui-ci de
découvrir la tanière de La Veuve. L’agent de la sûreté s’appelait
Finot et demeurait rue Saint-André-des-Arts.
Il faut remarquer que cette opération n’avait
pas d’autre but que de débarrasser La Veuve de Jean Nib, et de lui
permettre d’atteindre Hubert d’Anguerrand.
Son plan était bien simple – et
terrible : Jean Nib et Zizi entraient dans la villa. Jean Nib
se mettait aussitôt au
travail
. C’est là que commençait le
rôle de Zizi…
Sans le faire exprès
, Zizi réveillait le
marquis de Perles qui, courageux et entreprenant, marchait sur Jean
Nib. Celui-ci, venu pour exécuter une rafle d’objets de valeur, se
trouvait en présence de l’
assassinat nécessaire
… Et la
police intervenait alors : Jean Nib en avait pour vingt ans…
au moins.
La Veuve marchait donc à son but, ayant tout
combiné pour assurer le succès.
Zizi trottinait près d’elle, les mains dans
les poches.
À l’Étoile, ils retrouvèrent Jean Nib.
Il était seul : Rose-de-Corail demeurait
en fonction dans la masure où Hubert d’Anguerrand était
prisonnier.
– Où est Biribi ? demanda Jean Nib
en rejoignant La Veuve et Zizi.
– Il est sans doute déjà là-bas, fit La
Veuve. Ne perdons pas de temps, car il est capable de faire le coup
à lui tout seul.
À trois heures du matin, ils se trouvaient
devant l’hôtel du marquis de Perles. Zizi fit le tour de la
propriété. Jean Nib inspecta les environs avec le sang-froid d’un
homme habitué à ne rien laisser au hasard.
– Où est Biribi ? répéta-t-il
lorsque cette inspection l’eut convaincu que tout était
parfaitement tranquille dans l’hôtel et aux abords.
– Je n’y comprends rien, dit La Veuve. Je
pense qu’il aura eu peur.
– On se passera de lui, fit Zizi.
Un soupçon, de nouveau, effleura l’esprit de
Jean Nib qui, longuement, se remit à étudier la position.
– Ça va bien ! gronda La Veuve entre
ses dents, mais de façon à être entendue : je choisis pour le
coup le plus facile les deux costauds qui passent pour des
terreurs… l’un ne vient pas et flanche, l’autre renâcle sur
l’ouvrage… il n’y a que le gosse qui soit d’attaque… ça va
bien !…
– C’est bon, La Veuve, on y va ! dit
Jean Nib.
– Il n’y a qu’à marcher, fit vivement La
Veuve. La grille est ouverte.
Vous êtes attendus
… mais pas
de bruit… Le marquis doit dormir profondément… S’il se réveille et
qu’il y ait lutte, il faudra lier la femme pour qu’elle ne passe
pas pour complice…
– On ne réveillera personne, dit Jean
Nib.
– Compte là-dessus ! murmura Zizi.
Je veux que le marquis soit estourbi, moi !…
Le gamin frissonna. Mais comme Jean Nib
s’avançait résolument vers la grille, il le devança… Quelques
minutes plus tard, ils se trouvaient dans le salon du
rez-de-chaussée.
– La Veuve m’a dit de te
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