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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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un
restaurant joyeusement illuminé, il eut un grondement de colère et
un juron qui, sourdement, roula entre ses dents.
    – Tas de cochons !…
    Soudain Pierre Gildas demeura hébété comme
l’homme sur qui s’acharnent d’inconcevables fatalités.
    Pierre Gildas, sur une des banquettes du
restaurant, venait de reconnaître sa fille !…
    Vêtue la veille encore d’une pauvre robe de
lainage, Magali portait maintenant un assez beau costume que sa
beauté naturelle rehaussait ; un immense chapeau à plumes
ornait sa tête. Elle était assise près d’une grande et forte fille
habillée avec une criarde somptuosité, et, devant elles, deux
messieurs grisonnants, que Pierre Gildas voyait de dos, fumaient et
causaient en riant. Magali ne semblait ni triste ni gaie :
elle paraissait accomplir la fonction naturelle des pauvres filles…
chair à plaisir.
    *
* * * *
    Pierre Gildas, revenant sur ses pas, longeait
l’avenue de l’Opéra, sans savoir où il allait, puis traversait les
Tuileries, franchissait la Seine, descendit sur la berge. Sous
l’arche du pont, il chercha un abri, non contre le froid, mais
contre la vie.
    Et comme un grand silence pesait sur la ville,
comme Pierre Gildas grelottant sentait que tout, en lui-même,
devenait silence, il se traîna vers l’eau et s’y laissa
glisser…
    *
* * * *
    Anatole Ségalens, en enjambant le parapet du
pont où il s’était arrêté, croyait à sa ferme intention de mourir,
puisqu’il cherchait la mort. Mais dans ce laps de temps
inappréciable pendant lequel il tomba dans le vide, il y eut un
brusque éveil de ses forces vitales, un déchaînement soudain de sa
volonté de vivre, une clameur effrayante de sa raison échappant
enfin au rêve de mort qui l’avait paralysée.
    Tout cela se traduisit dans cette pensée qu’il
cria au moment où il s’enfonçait dans l’eau :
    – Et si elle n’est pas morte ! Si
elle vit !…
    La réaction fut foudroyante. Entraîné au fond
de l’eau, entraîné par le courant qui le fit passer sous l’arche du
pont, Ségalens sentit une rage de vie centupler ses forces, il
remonta à la surface d’un effort puissant, et se mit à nager pour
regagner la berge. À ce moment où il allongeait les bras dans une
frénétique poussée, sa main rencontra quelque chose qui flottait,
et se crispa, s’incrusta sur l’objet qu’elle venait de saisir…
c’était un vêtement… c’était un homme.
    – Allons, fit Ségalens, mon suicide aura
toujours servi à quelqu’un… ce pauvre diable devra la vie à la
crise de désespoir qui m’a poussé à ce plongeon…
    Au bout de quelques minutes d’efforts
désespérés, Ségalens toucha le bord du quai, et étant parvenu à
pousser l’inconnu sur les dalles, il se hissa lui-même hors de
l’eau. Alors, sans perdre de temps, il se mit à frictionner le
noyé, oubliant que lui-même, quelques minutes auparavant, avait
voulu mourir. Bientôt, l’inconnu ouvrit les yeux :
    – Loués soient les dieux, fit Ségalens.
Comment vous sentez-vous, mon pauvre homme ?…
    L’homme se redressa, s’assit, passa ses mains
sur son front, jeta un regard sombre sur Ségalens et dit :
    – Savez-vous qui vous venez de
sauver ? fit-il avec un éclat de rire de dément.
    –Question inutile, monsieur, dit Ségalens.
Allons, venez…
    – Vous venez de sauver un échappé de
maison centrale, reprit l’homme avec son rire terrible.
    Ségalens eut un haut-le-corps vite réprimé.
Doucement, il répondit :
    – Cela ne me regarde pas, monsieur…
Venez…
    L’inconnu baissa la tête… Il demeura quelques
instants immobile.
    Ségalens l’entendit qui sanglotait tout bas.
Il le prit par la main, et très doucement :
    – Allons, venez…
    – Comment vous appelez-vous ?
demanda l’inconnu d’une voix étrange.
    – Anatole Ségalens.
    – Anatole Ségalens ! fit l’inconnu
qui n’avait entendu que le nom. C’est bien…
    Et pensif, il suivit le jeune homme qui
l’entraînait. Ils remontèrent la première rampe rencontrée et se
mirent à marcher dans la direction des Halles. Là, Ségalens fit
signe à un taxi qui passait. Il fit monter son compagnon, s’assit
lui-même, et alors, par la portière :
    – Chauffeur, rue Letort !…
    – Rue Letort, gronda l’inconnu dans un
râle de stupeur.
    Et, sur les coussins du véhicule qui
l’entraînait vers la maison où il avait habité, où habitait la
veille sa fille Magali, où habitait encore son fils,

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