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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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deux chevaux à l’attache
en poussant grondements et cris, mais sans se décider à porter le premier coup.
Samson ne tirait pas davantage (comme peut-être je l’eusse fait à sa place).
Son visage angélique ne traduisant ni peur ni colère, et ses cheveux d’un blond
rouge flamboyant au soleil, il fixait son œil bleu un peu étonné sur la foule,
et disait avec un charmant zézaiement :
    — Qu’est
cela ? Qu’est cela ?
    — Qu’est
cela ? Gronda mon père en écho. Et que veulent ces gens ? Hardi, mon
Pierre ! Et courons sus !
    Aussitôt,
et mettant l’épée au poing  – moi-même dégainant et courant dans sa foulée
 –, il se rua sur le populaire, et distribuant quelques coups du plat de
son arme, mais en prenant grand soin de ne navrer personne, il s’ouvrit un
chemin jusqu’aux chevaux, les délia, me jeta les rênes, et bondit en selle.
    — Mettons
le cul de nos montures contre la maison ! me souffla-t-il. Ainsi nous ne
serons point tournés !
    Et
faisant caracoler son hongre, ce qui fit place nette autour de lui, il le fit
reculer au pas jusqu’au logis de M me de la Valade. Mon genet noir
n’était pas si bien dressé, mais je parvins pourtant à me placer à sa dextre,
et Samson à senestre. À cet instant, les rênes reposant sur l’encolure de nos
chevaux, nous avions tous les trois nos deux pistolets au poing, et notre épée
pendant par la dragonne au poignet droit. Mon père eût attaqué incontinent, je
crois, si, au lieu de nous deux, il avait eu, le flanquant, deux de ses vieux
soldats. Mais il ne voulait pas hasarder la vie de ses droles dans un combat de
rue. Il préféra parlementer, et d’autant que le populaire, bien qu’armé,
paraissait plus faible et affamé que vraiment menaçant.
    — Çà,
mes amis ! cria-t-il d’une voix forte en se dressant sur ses étriers, mais
avec une sorte de bonne humeur gaillarde et militaire. Que veut dire cette
émotion ? Est-ce ainsi qu’on accueille les gens dans le faubourg de la
Lendrevie ? Et pourquoi nous courez-vous sus ?
    — Pour
t’occire, Baron, toi et tes fils ! dit un grand et gros homme qui se
tenait au premier rang de la foule, et qu’à ses yeux noirs exorbités, à sa
vêture, à sa forte panse, et au grand couteau passé à sa ceinture, je reconnus
pour être Forcalquier, le boucher de la Lendrevie.
    — Que
voilà paroles sales et fâcheuses ! dit mon père avec un rire, mais
promenant sur la foule, et en particulier sur les deux porteurs d’arquebuse, un
œil vigilant. M’occire, Maître Forcalquier ! Tu réussirais donc là où
l’Anglais a échoué ! Mais à supposer l’affaire faite, ceux qui ne seront
pas morts céans de ma main seront pendus pour ce meurtre !
    — Qui
les pendra ? dit Forcalquier d’une voix éclatante. M. de la Porte ?
(les huées du populaire saluèrent ce nom). Mais ce petit merdeux de
lieutenant-criminel se tient serré en son logis ! Il a à peine de soldats
assez pour garder les portes. Et s’il en avait pour nous arrêter, qui nous
jugerait ? Les juges du présidial ? Ils ont fui (les huées redoublèrent).
Baron, il faut te faire une raison : il n’y a plus ici d’officiers royaux,
de bourgeois, de juges, ni de seigneurs ! C’est nous qui sommes les
maîtres.
    — Et
c’est toi qui commandes ?
    — C’est
moi. Moi, Forcalquier. Je me suis nommé moi-même Baron de la Lendrevie, et en
ces lieux seigneur haut-justicier. Tu mourras donc. Tes droles aussi. Ainsi en
a décidé ma justice !
    À
cette braverie la liesse fut grande, mais si Forcalquier paraissait résolu, le
populaire semblait davantage réjoui et revanché de ses insolentes menaces que
déterminé à les exécuter. Mon père sentit cette humeur de la foule, et sans
changer de ton, il poursuivit sa partie dans ce jeu hasardeux.
    — Baron-boucher
de la Lendrevie, dit-il avec ce même air de gaillarde gausserie, tu vas vite en
besogne, et jamais juge n’aura jugé si vite ! Mais il te faut motiver tes
arrêts : pour quels crimes sommes-nous punis ?
    — Pour
avoir approché de maison infecte, et tâché d’en retirer la garce qu’on y
serrait. C’est crime capital, comme bien tu sais.
    — Mais
cette garce est saine, je m’en porte garant, je suis médecin ! Et elle
n’est travaillée que de faim !
    — Nous
aussi, nous crevons la faim ! cria une voix stridente dans la foule, et ce
cri fut aussitôt repris à tous les coins de la place en une psalmodie qui
tenait

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