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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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plains, peut-être ? dit Jonas, qui gardait à la Maligou une petite
dent de ses clabauderies sur sa femme. Sarrazine, poursuivit-il, puisque tu fus
louve, à ce qu’il paraît, va me mordre un peu cette grosse ribaude à la fesse
pour lui tirer du corps le sang qu’elle a en trop.
    — Aïma !
Aïma ! dit la Maligou, pas du tout rassurée, en tassant sa grosse charnure
sur son tabouret et en roulant des yeux.
    À
sa frayeur on rit tous à se dilater la panse, les doigts de pied à l’aise sous
la table, et les cuisses épanouies, mais nul ne rit plus que Petremol, à qui
les larmes vinrent aux yeux, mais de gratitude aussi, travaillant à nouveau à
son beau métier, et entouré de si bons et joyeux compagnons, qui déjà
l’aimaient comme l’un d’eux. Pauvre Petremol, qui faisait tant d’efforts pour
non pas penser à sa femme, ni à ses quatre droles, sauf qu’à table il tâchait
de s’asseoir toujours à côté de Samson, nul n’ignorait pourquoi, et Samson
moins qu’un autre, qui lui parlait souvent, et dans la journée encore, l’allait
trouver en sa bourrellerie, s’intéressant à son art, ange de Dieu qu’il était.
    Cabusse
qui, en l’absence de la frérèche, jouait quelque peu au maître, ayant terre et
maison, et celle-ci depuis peu, flanquée d’une tour d’escalier qui lui donnait
fière allure, leva la main et dit :
    — Compagnons !
Laissons parler la Maligou ! Elle a des choses à nous dire sur la rareté
des roux.
    — Mais
les roux ne sont point si rares, dit Michel Siorac, qu’on distinguait
maintenant de son frère à sa balafre, du moins quand il tournait vers vous sa
joue gauche.
    — Samson,
lui aussi, est roux ! dit Benoît Siorac en écho.
    — Nenni !
Nenni ! s’écria aussitôt la Maligou. Ce n’est point du tout la même
chose ! Moussu Samson est cuivre. Petremol est rouge comme rouille. Pour
la commodité que j’en veux tirer, Moussu Samson ne m’est d’aucun service.
    — Heureux
il est ! dit Escorgol.
    On
rit encore, mais Cabusse, tirant sur sa moustache, dit d’une voix sans
réplique :
    — Allons,
compagnons ! Laissez-la dire !
    — Comme
vous voyez, reprit la Maligou, j’ai, me démangeant très fort, des rougeurs aux
deux paupières, en raison des fumées de mon feu, étant tout le jour à cuire mon
pot. Moussu lou Baron m’a bien dit de les laver chaque soir à l’eau bouillie,
mais avec son respect, l’eau n’y a rien fait du tout, et vu que je connais une
autre curation, je voudrais l’essayer, si Petremol veut bien m’accommoder, vu
qu’il est roux.
    Il
y eut ici grand ébahissement et aussi quelques débuts de rire, que Cabusse,
d’un geste de la main, étouffa.
    — Si
cela, dit Petremol avec prudence, ne me doit rien coûter, ni de ma personne, ni
de mon peu d’argent, ni de mon salut, je le veux bien.
    — Il
ne t’en coûtera pas un liard, dit la Maligou, seulement un peu de ta fiente,
recueillie le matin, fraîchement tombée.
    — Doux
Jésus ! dit Barberine. Est-il bien possible que tu irais te mettre cette
fiente dans l’œil ?
    — Qui,
peut-être, choirait, à midi et le soir, dans le pot que tu cuis, dit Escorgol.
    Là-dessus,
un grand rire nous secoua les tripes, que même Cabusse ne put du tout réprimer,
et d’autant moins qu’il y mêla le sien. Quand enfin, par degrés, la gaieté se
calma, la Maligou reprit avec hauteur :
    — Barbares
que vous êtes, ignorez-vous que la fiente d’homme roux est souveraine contre
les rougeurs et obscurités d’yeux, et aussi contre les taies qui, avec l’âge,
les recouvrent ?
    — Mais,
dit Petremol avec modestie, c’est que ma fiente pue.
    — Comme
toute fiente, dit la Maligou. Mais crois-tu, rufe que tu es, qu’on l’applique
comme elle a chu de ton corps ? Non point. On la distille, et l’essence
ainsi recueillie ayant encore quelque odeur, on y mêle un peu de musc et de
camphre.
    — Ma
foi, dit Petremol, si ma fiente doit être distillée, musquée et camphrée, je te
la baille toute, Maligou, tous les matins que Dieu fait !
    On
rit encore, et plus haut, et plus fort, et plus longtemps.
    — Oh !
Je m’en vais mourir de mon rire ! dit la Sarrazine, tant la panse me
secoue ! Maligou, je ne t’enfoncerai point mes crocs de louve au fessier.
Tu m’as trop ébaudie. Je te pardonne.
    Là-dessus,
Coulondre, qui n’avait point, de toute la veillée, fait le moindre souris, se
leva, prenant appui de son bras de fer sur la table, et

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