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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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occis.
    Et
c’est bien, pensai-je, ce qu’a fait Forcalquier. Mais je me tus. Cathau venait
d’apparaître dans le soleil au bout de la prairie, fort fraîche dans un
cotillon rouge bandé de bleu, le bonnet bien propret sur la tête, les pieds nus
dans l’herbe tendre, et portant dans ses bras nus un enfantelet tout mignon.
    — Adieu
Cathau ! dis-je avec un enjouement imité de mon père, mais non sans que le
cœur me serrât, car elle avait été si longtemps la chambrière d’Isabelle de
Siorac que je ne pouvais la voir sans penser à ma mère et à la médaille que je
portais au col.
    — Adieu,
Moussu Pierre ! dit-elle.
    Elle
ajouta, la bouche pleine de son sujet et les yeux brillants de malice :
    — Mais
quelles nouvelles de Mespech ? On dit que Franchou est durement enceinte.
    — Qui
empêchera jamais langue de femme de branler ? dit Cabusse d’un air
mécontent.
    — Il
m’a semblé, dis-je, que Franchou prenait, de fait, de l’embonpoint. Mais quelle
en est la cause, je ne sais. Il te faudra le demander à mon père, qui est
médecin.
    — Bien
répondu, Moussu Pierre ! dit Cabusse en riant, tandis que Cathau, confuse
de ma gausserie, se détournait.
    Mais
elle se détournait aussi pour allaiter son pitchoune, car, au contraire de
Barberine, elle ne montrait pas son téton en public, Cabusse étant jaloux.
    — N’empêche,
dis-je, notre plan a échoué, et nous avons eu un mort.
    — Ha !
Moussu Pierre ! dit Cabusse en se redressant, une main sur la hanche, et
de l’autre tirant sur sa moustache. Il en est des plans de guerre comme des
bottes en escrime. Les mieux cogitées d’ycelles (il affectionnait depuis peu ce
mot «cogiter », le tenant de mon père), les mieux préparées et les mieux
exécutées, se trouvent parfois que d’échouer.
    — Mais
Marsal le Bigle est mort.
    — En
plein combat. La meilleure mort, et la plus prompte. Chagrin pour nous, mais
bonheur pour lui, de ne jamais connaître les longues sueurs et les souffrances
dans un lit tout puant.
    — Ha !
Ne parle point de cela, Jehan Cabusse ! dit Cathau en se retournant à
moitié, ce qui me laissa voir, en un éclair, le demi de sa gorge. C’est là,
ajouta-t-elle, paroles fâcheuses et tristes et qui me donnent des frissons.
    — Si
Moussu Pierre n’était là, je te changerais incontinent tes frissons en
frissons ! dit Cabusse avec un rire. Mais la tristesse n’est point mon
propos. Et Moussu lou Baron a agi fort dignement en commandant à Faujanet un
cercueil de châtaignier pour y mettre son vieux soldat. C’est forte dépense,
quand on y songe, pour un simple serviteur. Je connais dans le Sarladais plus
d’un gentilhomme qui enfouit ses mercenaires à même la terre, cousus dans une
serpillière.
    — Dieu
merci, dis-je avec modestie, la frérèche est riche.
    — Mais
le cœur bien placé aussi, dit Cabusse. Et ramentevez-vous ce que disait
Calvin : « Or et argent sont bonnes créatures quand on les met à bon
usage. »
    Je
ne fus pas étonné de cette citation, Cabusse, de tiède catholique étant devenu
fervent huguenot, j’entends, dans la profondeur du grain, et non à la surface,
étant toujours là le même Gascon, paillard, gaillard et se gaussant.
    — Je
suis pour m’en aller, dis-je. Sinon Accla va te dévorer ton bien comme la
sauterelle le blé.
    — L’herbe
ne manque pas dans mon domaine du Breuil, dit Cabusse noblement.
    — Ici,
Accla, dis-je.
    Mais
Accla qui, à quelques pas de nous, les rênes par mes soins nouées sur son
garrot, se livrait à grande bombance, faisant un choix délicat des plus
goûteuses et savoureuses tiges, et laissant les grossières et communes aux
brebis qui paîtraient après elle, fit semblant de ne pas m’entendre, sa
paupière battant hypocritement sur ses beaux yeux obliques.
    — Ici,
Accla ! dis-je plus fort en battant ma botte de ma baguette.
    Arrachant
avec un soupir sa dernière touffe, Accla se souvint alors de ses manières, et
trottant vers nous de son trot aérien et gracieux, tête haute et crinière
rebroussée, elle vint poliment quémander une caresse à chacun, faisant
d’aimables « pfffut », et donnant même un léger coup de langue à
l’enfantelet.
    — Elle
a fort bonne alloure, dit Cabusse. Vit-on jamais si beau cheval sortir de si
méchant lieu ?
    — Moussu
Pierre, dit Cathau, il vous faudrait la mettre au montoir. Il serait temps.
    — Eh
oui ! dis-je, sautant en selle. Mais le difficile est de

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