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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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comme il se raclait la
gorge pour parler, on craignit une de ses remarques lugubres et glaçantes, mais
il se contenta de déclarer qu’il se faisait tard, et qu’il n’aimait point
laisser son moulin si longtemps, gardé par les seuls chiens. Jonas et Cabusse
se levèrent alors, disant que longuet était le chemin jusqu’à la carrière et le
Breuil, et ce fut la fin de cette veillée des foins, dont on devait longtemps
parler à Mespech et dans nos villages, tant on y avait ri.
    La
nuit qui suivit cette veillée, la petite Hélix, dans le noir de notre tour, le
calel de Barberine éteint, et celle-ci soufflant comme forge en son sommeil, ne
voulut point se livrer à nos petits jeux, mais, dolente dans mes bras, me dit
d’une voix étranglée, comme si le nœud de sa gorge la serrait :
    — Mon
Pierre, j ai une extrême douleur de tête, et un grand tournement aussi, et je
crois que je vais mourir.
    — Mal
de tête n’est point mortel, dis-je. C’est là simple abus de viandes et de vin,
dont les vapeurs, emplissant et embarrassant l’estomac, remontent par veines et
artères jusqu’au cerveau.
    — Oh,
mon Pierre ! dit-elle. Je sais que tu es fort savant, mais ce mal de
tête-ci est mille fois pire que tout ce que j’ai connu, et j’ai une très grande
peur de mourir, étant si jeune et si chargée, de mes péchés.
    Je
la rassurai encore, et la pris dans mes bras, où elle se blottit, mais sans
s’assoupir du tout, avec des petits soubresauts et des gémissements à me fendre
le cœur, tant on sentait que le mal la poignait. J’ai grande vergogne à dire que,
si tourmenté que je fusse à son sujet, c’est pourtant moi qui m’endormis, étant
fatigué de ces deux jours passés en selle, de la pique du jour au crépuscule.
    Le
lendemain, cependant, la petite Hélix allait mieux, quoique défaite et pâle, le
mal de tête s’étant comme engourdi, mais se plaignant toutefois qu’un voile lui
tombait, par instants, devant les yeux de sorte qu’elle voyait toutes choses
vagues et difformes, comme à travers une brume.
     
     
    Le
12 juillet, Franchou accoucha, sans aide et sans cri, d’un fils qu’on prénomma
David, et à qui mon père, convoquant, le 25 juillet, le notaire Ricou,
s’engagea à donner, à sa majorité, une somme de deux mille écus pour son
établissement. Dans ce codicille au testament que mon père avait fait rédiger
avant son départ pour Calais, David était appelé David de Siorac.
    Je
ne sais pourquoi l’été et l’automne me parurent passer fort vite cette année,
peut-être à force de supputer entre nous des raisons de cette grande chevauchée
royale par le royaume, tous à Mespech s’y passionnant, Miroul, plus qu’aucun
autre, ayant l’esprit aussi agile que le corps. D’ailleurs il apprenait fort
bien sous la férule d’Alazaïs  – j’entends férule au sens littéral, car
elle donnait ses leçons armée d’une baguette dont elle tapait, à la moindre
erreur, sur les doigts de ses élèves.
    — Mon
pauvre Miroul, dis-je comme il entrait dans l’écurie, ne me dis pas d’où tu
viens : je le vois à tes doigts.
    — Oh,
ce n’est pas là le plus mauvais, dit Miroul en prenant une brosse et frottant
Accla à dextre tandis que je l’étrillais à senestre. Le plus mauvais,
poursuivit-il en me fixant par-dessus le garrot de la jument de son doux et
étrange regard vairon, c’est qu’elle ne veut point répondre à mes questions.
    — Alors
dis-les moi.
    — Peux-je,
Moussu Pierre ?
    — Certes,
dis-je, car je tâchais de l’instruire, pensant que c’était là mon devoir de
huguenot.
    — Je
voudrais savoir, dit Miroul, pourquoi le prince Henri de Navarre vit à la cour
du Roi et non en son royaume, avec sa mère.
    — Il
est de la Religion comme sa mère Jeanne d’Albret, et la Navarre étant si proche
de l’Espagne, Jeanne d’Albret craint qu’il ne soit enlevé par le Roi
catholique.
    — Mais
pourrait-il se retirer à sa guise de la cour du Roi de France ?
    — Que
non pas. Il est l’hôte de Charles IX, mais aussi quelque peu son otage.
    — Mais
pourquoi son otage ?
    — C’est
un Bourbon. Si Charles IX et ses frères mouraient sans enfants, Henri de
Navarre pourrait accéder au trône.
    — Un
huguenot, roi de France !
    Les
yeux vairons de Miroul brillèrent d’une joie si profonde que je voulus la
tempérer.
    — Mais
Henri de Navarre n’a que onze ans, mon pauvre Miroul, et c’est bien le diable
si ces

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