Fortune De France
trouver un étalon
de sa race et de sa couleur ! À te revoir Cathau ! À demain,
Cabusse !
— À
demain ! À la pique du jour !
À
la différence de l’épouvantable sécheresse de 1563, où Mespech faillit pendre
le cousin de Petremol pour un vol d’herbe dans les combes, l’année 1564 fut
abondante en foin, surtout pour ceux qui, comme la frérèche, furent assez
avisés pour le couper et rentrer dès sa maturité, car il y eut de grandes
pluies, dans le début de juillet, qui gâtèrent de beaux prés, et aussitôt
après, une chaleur accablante qui sécha à point les récoltes, mais dut beaucoup
incommoder – nous en parlions souvent en nous gaussant – tous ces
beaux courtisans vêtus de soie chevauchant sur les routes et les chemins de
France.
Pendant
nos foins, notre Petremol, quittant ses selles et harnais, montra qu’il était
aux champs bon ouvrier, prenant l’herbe assez dans sa lame mais point trop,
ramenant son andain en alignement régulier, ne rompant point l’allure de ses
voisins par excès de vitesse ou de lenteur, et quand il y avait pause pour
aiguiser, mettant de côté sa tristesse, il montait bien à la gausserie,
saisissant le demi-mot et y répondant du sien, sans se rebrousser d’une petite
picanierie sur la couleur de son cheveu, mais, au contraire, le rire facile et
déployé – ce rire qui vous détend bien la bête et lui redonne du cœur
pour non pas bouder à l’ouvrage. Car hommes sont bien comme femmes en leurs
travaux : habiles à se donner plaisir avec la langue pour compenser la
peine de leurs bras.
À
la veillée, le dernier jour des foins, la frérèche, tôt retirée en raison de
ces longues journées passées le cul sur selle à protéger les faucheurs, Samson
et moi étions assis avec le domestique et les tenanciers, non certes devant le
feu, mais toutes fenêtres ouvertes, autour de la table, devant deux doigts de
notre eau-de-vie de prune. Et la Maligou, prenant place enfin parmi nous avec
de gros soupirs et une série de « Aïma ! Aïma ! » qui
indiquaient que, pour n’avoir point fauché aux champs (comme Alazaïs), elle
avait néanmoins trimé comme damnée à cuire le pot pour tous, considéra un temps
Petremol et lui dit avec le dernier sérieux :
— Mon
pauvre Petremol, plus rouge que ton poil je n’ai jamais vu.
Petremol,
croyant à un renouveau des picanieries, dit avec un sourire :
— Certes,
rouge je suis, et mon âne aussi, et pourtant bête plus bravette que lui ou moi,
je n’ai non plus jamais vu.
Nous
sourîmes à cela, mais non la Maligou.
— Je
ne le prends pas à la gausserie, dit-elle avec gravité. C’est grande rareté
qu’un homme qui a le cheveu rouge.
— Holà,
Maligou ! dit Cabusse, à côté de qui Cathau était assise, la tête contre
son épaule, et son enfantelet endormi dans ses bras. Ne va pas t’y tromper, le
Petremol n’est point un capitaine des Roumes !
— Et
il n’a point de bâton magique ! dit Escorgol, jamais en retard d’une
coquinerie.
On
rit, et Alazaïs, rebutée par une conversation si basse, se leva et sortit de la
salle, la nuque raide et le dos droit, sans saluer personne. Dès que la porte
se fut refermée sur elle, Escorgol reprit :
— Compagnons,
maintenant que nous sommes seuls, une devinette à votre convenance !
Cathau ! Jacotte ! Sarrazine ! Une devinette !
Il
fit une pause.
— Qu’est-ce
qui grossit quand doigts de femme le touchent ?
— Vilain
paillard ! dit la Maligou.
— La
paillarde, c’est toi qui mal y penses ! dit Escorgol. Voyons ! Ce qui
grossit quand doigts de femme le touchent, c’est le..., c’est le...
Et
comme tous riaient sans piper mot, Escorgol dit triomphalement :
— C’est
le fuseau !
On
rit à gueule bec de cette attrape, et Cabusse dit avec une courtoise
amabilité :
— C’est
bonne gausserie que ce Provençal nous rapporte de sa Provence. Cependant,
compagnons, reprit-il, ne riez pas si haut, vous, allez réveiller nos
messieurs.
— Vous
réveillerez l’un, mais non pas l’autre, je gage, dit Cathau à mi-voix.
— Paix,
femme ! Tiens ta langue ! dit Cabusse.
Et
tous baissèrent ici les yeux, sans se permettre le moindre souris, sinon
peut-être à l’intérieur.
— Le
fuseau ! Le fuseau ! dit la Maligou en se donnant des airs de dame.
On ne peut point parler sérieux avec ces hommes que voilà ! Toujours le
rut aux reins et la braguette pleine !
— Et
tu t’en
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