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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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demanda la Maligou d’un air hésitant.
    — Les
deux, et toutes les chandelles, dit Sauveterre d’un ton tranchant.
    Cette
réponse surprit, tant on savait Sauveterre regardant à la dépense. Et la
Maligou, se haussant au niveau de l’événement (et toujours prête à voir du
magique partout, depuis que le Roume l’avait forcée), alluma les chandelles une
à une, avec un certain air de pompe et de mystère. Quant à nous, déjà si
heureux que notre père fût en vie, le luxe inouï d’une pareille illumination
 – les deux chandeliers se reflétant dans le noyer poli de la table
 – nous plongea dans l’admiration, d’autant que Sauveterre nous répartit
solennellement de part et d’autre de sa personne, François et Isabelle de
Siorac à sa droite, moi-même, Samson et Catherine à sa gauche ; derrière,
en un second rang très serré, Cathau, Barberine et la petite Hélix, la Maligou,
portant la Gavachette dans ses bras, et enfin, derrière les femmes, les frères
Siorac, Jonas qui revenait des remparts son arquebuse à la main, et Faujanet,
claudiquant sur ses talons.
    Sauveterre
alla prendre dans une armoire de la grande salle un long rouleau, le posa sur
la table, le déroula et le fit tenir aux quatre extrémités par des balles
d’arquebuse qu’il tira de sa poche.
    — Ceci,
dit Sauveterre, ses yeux noirs brillant sous ses épais sourcils, et avec une
émotion contenue dans la voix qui se communiqua à tous, ceci, c’est le royaume
de France.
    Il
y eut un silence, et la Maligou se signa d’un air effrayé.
    — Doux
Jésus ! dit-elle d’une voix tremblante, c’est une bien étrange magie qu’un
royaume qu’on dit si grand tienne dans une feuille de papier qui fait à peine
la largeur de notre table !
    — Coquefredouille !
dit Jonas. Il n’y tient point ! Ceci est seulement une image, comme les
maîtres d’œuvre m’en donnent pour tailler mes pierres. C’est une image en très
petit.
    — Oui,
dit Sauveterre. Et le royaume de France est un très grand royaume. À condition
de changer de cheval tous les jours, un chevaucheur prendrait plus de trente
jours pour galoper de Marseille (il frappa de son index sur le port) à Calais
(il frappa Calais du plat de la main).
    — Trente
jours ! dit Barberine. Autant dire un mois ! Dieu garde le Roi de
France, qui a le souci et la peine de ce vaste royaume !
    — Mais
où est le diocèse de Sarlat ? demanda Isabelle de Siorac.
    — Voilà
Sarlat, dit Sauveterre, qui n’aimait pas le mot « diocèse ».
    — Et
la Dordogne ? dit François pour faire l’aîné.
    Sauveterre
suivit de l’index une petite ligne sinueuse.
    — Dieu
me garde de ses diables et de ses sorciers, dit la Maligou. Mais cette
Dordogne-là ne coule pas !
    — Sotte
embéguinée ! dit Jonas. Ne voudrais-tu pas sentir aussi la neige des
montagnes ? Les grandes eaux des mers ? Et les vents et les
bourrasques qui soufflent à travers le royaume ?
    Il
dit cela comme indigné des superstitions et de la stupidité de la Maligou, mais
en même temps il profitait de la presse pour s’appuyer contre Barberine un peu
plus qu’il n’aurait dû, Sauveterre n’ayant point d’yeux derrière le dos.
    — Et
Taniès ? demanda tout d’un coup l’un des Siorac, et sur ma vie, je ne
saurais dire lequel.
    — Oui-da,
où est Taniès ? dit « le frère de l’autre ».
    — Il
n’est point marqué, dit Sauveterre avec patience.
    — Et
pourquoi cela ? dit l’un des Siorac d’un air piqué.
    — Allons,
mes pauvres, dit Faujanet, moi qui ai vu du pays pendant mes dix ans dans la
légion de Guyenne, je puis vous dire qu’il y a dans le royaume des milliers et
des milliers de villages qui, certes, ne sont pas tous inscrits ici, faute de
place.
    Sauveterre
leva la main.
    — Bien
dit, Faujanet. Et j’ajouterai que le comté du Périgord n’est qu’une des
provinces de la France. Et Sarlat n’est qu’une ville de France, parmi des
dizaines d’autres.
    Il
poursuivit :
    — Voici
Paris, la capitale du royaume, où le Roi loge dans son Louvre, et voici au
nord-ouest un petit bras de mer, large en sa plus petite largeur de deux lieues
à peine, qu’on appelle la Manche. De ce côté-là de la Manche, il y a Douvres,
qui appartient à l’Angleterre. Et de ce côté-ci de la Manche, il y a Calais,
qui appartenait au royaume de France.
    Sauveterre
tapa du plat de la main sur la carte et dit d’une voix vibrante :
    — Les
Anglais nous ont

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